Conférence :

De la bibliothèque au système d'Information documentaire

animateur : Charles MORACCHINI, IA IPR EVS

Intervenants : Jean-Louis DURPAIRE, IGEN

Lieu : CRDP d'Auvergne - 15, rue d'Amboise - 63000 Clermont-Ferrand

Public : Chefs de travaux, animateurs de bassins, documentalistes.

Date : Jeudi 18 novembre 2004 - 9 - 10 heures 30

identifiant : 04A0065010

en marge de la conférence :

10 h 45 – 12 h 30  Présentation d’exemples d’environnements numériques de travail 

1.                        Le dispositif Num@ de l’académie de Montpellier,

2.                        L'ENT du Rhône, "Laclasse.com"

3.                        Le cartable électronique de Savoie,

4.                        Expérimentation d'un ENT primaire C@jou,

5.                        Plateforme intranet scolaire Scolastance,

6.                        Socle ENT de Microsoft.

10 h 45 – 12 h 30  Ateliers

1. Les bases de données en ligne : usages et évolutions

2. Les bouquets de ressources numériques en ligne

3. Les TICE au service de l’orientation

4. Vers de nouvelles solutions documentaires

5. Les TICE au service de l’enseignement technologique et professionnel

6. Quel projet TICE pour l’EPLE ?

7. Protection des mineurs et questions juridiques

8. Didagri : Un environnement numérique de travail (ENT) au service de l’enseignement agricole

14 h 30 – 16 h 00 : Séance plénière  auditorium

Les nouveaux environnements d'apprentissage.

Comment utiliser les outils informatiques pour apprendre autrement.

Construire des situations pédagogiques intégrant l'activité d'expérimentation.

Animateur :                - Christian Félicité IA-IPR

Conférencier :            - Michel Aublin IGEN-STI

Le programme

 16èmes journées de Clermont
Des services et des ressources
pour de nouvelles pratiques pédagogiques


... le site.

 

Conférence :

Le documentaliste conseiller technique du chef d’établissement

Jean-Louis DURPAIRE, IGEN

La documentation n'est plus une question marginale dans un établissement scolaire. Aujourd'hui, nous vivons dans la société de l'information :  l'édition de livres et de revues imprimées s'est élargie et diversifiée, les documents surabondent, les ressources en ligne rendent accessible l'information à tous.
 
Le documentaliste reste un homme, une femme de culture et d'ouverture ; mais il est aussi un spécialiste de l'information, de sa diffusion, de son organisation dans l'établissement où il exerce. Il est un acteur de la formation des élèves en tant que membre du corps enseignant .
 
Alors, est-il un conseiller du chef d'établissement ? si oui, sur quoi ? comment? selon quelles modalités intervient-il? 
 
C'est autour de ces questions que sera construite mon intervention qui ménagera un large temps d'échange avec les présents. Nous vivons un temps de mutation professionnelle fort pour les documentalistes, et peut-être aussi pour les chefs d'établissement. L'analyse des responsabilités exercées par les uns et les autres est essentielle pour lever les blocages, encourager les changements nécessaires, rassurer ceux  et celles qui sont peu préparés à ces mutatiions, définir les aides possibles et ainsi construire une école plus efficace et accueillante.
 
La présence de madame Fructus, présidente nationale de la FADBEN permettra d'entendre l'expression des documentalistes, leur engagement dans le changement et de percevoir leurs attentes et ambitions.

date : mercredi 12 janvier 2005 - de 9h30 à 12h

Lieu : CRDP d'Auvergne - 15, rue d'Amboise - 63000 Clermont-Ferrand

identifiant : 04A0065148

Monsieur Moracchini IA-IPR EVS introduit la conférence intitulée :

 Le documentaliste conseiller technique du chef d’établissement ?

Cette conférence de Mr Jean Louis Durpaire autour de la place stratégique du documentaliste et de la fonction documentaire au sein de l’EPLE est très attendue : elle vient comme une suite logique de la première conférence intitulée « de la bibliothèque au système d’information documentaire » et qui s’est déroulée dans le cadre des journées TICE du CRDP le 18 novembre 2004.

Monsieur Jean-Louis Durpaire

Depuis 2002 IGEN au sein du groupe EVS et également enseignement primaire, il a été le rapporteur d’une étude sur les politiques documentaires des établissements scolaires en 2004. Il préside le CAPES externe de documentation. Il est  membre de la commission des TICE des inspections générales où il est notamment chargé des relations avec les collectivités territoriales en matière de TICE, de l’évaluation des ENT.
Son intérêt et son action en matière de documentation se sont déjà traduits dans diverses responsabilités au sein du réseau CNDP-CRDP dans trois fonctions: directeur général adjoint du CNDP, directeur du CRDP de Poitiers, directeur du CRDP de Dijon.
Par ailleurs il a exercé d’autres fonctions: professeur en lycée, en école normale ;
inspecteur de l'éducation nationale, adjoint d'inspecteur d'académie,
conseiller TICE de recteur.

Madame Fructus ,

Enseignante documentaliste, intervient dans cette conférence pour apporter une parole professionnelle. Elle a exercé en lycée et collège,  a été formatrice à l’IUFM d’Aix Marseille  notamment au CAPES et également des deuxièmes années documentalistes. Elle est actuellement responsable du pôle de formation à la bibliothèque de CUJAS et présidente de la FADBEN.

Après avoir remercié Mr Moracchini, les responsables académiques et madame Fructus pour l’échange qu’il va être possible de mener avec la représentante de l’association, la FADBEN, Monsieur Durpaire souligne l’interrogation de l’intitulé de la conférence : cela induit une réflexion sur la notion d’établissement, celle de projet et celle de conseiller. Monsieur Durpaire souhaite replacer ses propos dans l’actualité du système éducatif, à savoir le projet de loi pour l’avenir de l’école. Mr Durpaire articule sa conférence selon deux axes : premièrement quelques éléments de réflexion sur la loi d’orientation, deuxièmement les évolutions prévisibles de la fonction documentaire dans les établissements.

Au préalable Mr Durpaire, de par sa fonction mais aussi à titre personnel, souligne son attachement à la fonction documentaire et à l’enseignant documentaliste qui exerce un métier chargé de potentialités, de richesses et de forces. Quinze ans après la première loi d’orientation de 1989, très importante pour le métier de documentaliste puisqu’elle a créé le CAPES, la reconnaissance en tant qu’enseignant documentaliste n’est pas suffisante car on constate des difficultés de positionnement à l’intérieur des établissements. Au travers de sa démarche très pragmatique, Mr Durpaire constate combien le travail des documentalistes pourrait être plus fructueux s’il était compris, soutenu par le chef d’établissement : il ne s’agit pas de culpabiliser l’un ou l’autre, il s’agit de se comprendre : pour l’action documentaire, il y a un champ à cultiver dans une proximité très grande.

I. La loi d’orientation

Elle prend en compte les évolutions de la société sous plusieurs angles. Trois éléments essentiels justifient l’apparition d’une nouvelle loi d’orientation : il faut tenir compte des exigences de la société d’information, du défi de la cohésion nationale et des enjeux liés à la démographie.

« A l’ère de la société de l’information, la connaissance est plus que jamais la clé du développement personnel et le fondement du progrès des nations. Elle continue à s’appuyer sur le livre qui demeure indispensable à la découverte et à la diffusion des savoirs. Dans le même temps, elle s’édifie et se transmet dans un environnement toujours plus numérique »(projet de loi).


 Les technologies de l’information ont transformé la vie économique  et on le voit aussi dans nos établissements. Les gains  en temps pourraient être reportés sur l’accompagnement, le présentiel. L’idée de mise en réseau par ailleurs est très importante de par la suppression des distances : en matière de solidarité elle s’exprime avec la catastrophe en Asie : la notion de réseau peut induire aussi celle de coopération et de générosité . Toutefois les réseaux les plus difficiles à élaborer sont ceux  de proximité.

Le projet de loi donne un point d’appui qui permet de penser qu’on va pouvoir recadrer les missions du documentaliste, l’utilisation critique et raisonnée des moyens d’accès à la formation est positionnée comme un élément majeur. Par ailleurs ces outils ne sont bien sûr pas une fin en soi : il s’agit d’éduquer, de former l’élève.

A la suite de ces principes généraux apparaît la création d’un conseil pédagogique dans les établissements. Cela va être aussi important que le projet d’établissement à condition qu’on le fasse vivre : la notion d’établissement doit s’affirmer avec les moyens actuels donnés: on constate des effets « établissement », du fait du chef d’établissement mais aussi de ses équipes.

Cette instance du conseil pédagogique , composé de professeurs principaux de chaque niveaux, des professeurs représentant chaque discipline, dont le documentaliste, le coordinateur pour les TIC ainsi que le chef de travaux dans les lycées professionnels et technologiques va avoir des effets. Ce conseil est imposé au chef d’établissement et cela implique une responsabilité du documentaliste, reconnu comme conseiller pédagogique du chef d’établissement. Par ailleurs la fonction « coordinateur pour les TIC »est créée. La définition de ce conseil sera décrite dans des textes d’application. Ce conseil veillera à la cohérence pédagogique des enseignements à chaque niveau, à la continuité de la progression dans chacune des disciplines. Il organisera les modalités du contrat individuel de réussite éducative, il contribuera  à l’élaboration des aspects pédagogiques du projet d’établissement, en assurera le suivi, le programme d’accueil .

« Le projet d’établissement définit les modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux et académiques. Il précise les activités scolaires et périscolaires. Il définit notamment la politique de l’établissement en matière d’accueil et d’information des parents, d’orientation, de politique documentaire, de suivi individualisé des élèves, d’ouverture sur son environnement »(projet de loi) .

Le terme de politique documentaire a été introduit depuis peu par la DESCO (direction de l’enseignement scolaire)  et il apparaît aujourd’hui officiellement : on modifie un aspect de la loi de 1989 en donnant une place importante à l’organisationnel.

« L’apprentissage des usages de l’ordinateur et des environnements numériques doit conduire chaque jeune pendant sa scolarité obligatoire à utiliser de manière raisonnée les TIC pour se documenter, pour produire et rechercher les informations, pour communiquer. Le B2I élèves sera intégré au brevet et donnera lieu a une évaluation. Il sera modifié : le texte a pris soin de mentionner qu’il faut une utilisation raisonnée des TIC » (projet de loi). L’évaluation sera prise en compte au brevet et au baccalauréat.

Par ailleurs, le numérique peut peut-être remettre le cahier de texte à la place de communication qui lui revient.

 

II.                  Les missions du documentaliste

 Elles pourraient être organisées à l’avenir, si une nouvelle circulaire paraît, autour de quatre pôles indissociables.

Ce sont :

  • des missions de pilotage

  • de mise à disposition de ressources documentaires,

  • une mission essentielle de formation des élèves, des usagers, cela englobe tous les membres de la communauté éducative et d’ouverture. Cela ne signifie pas l’instauration de classes de documentation : le documentaliste contribue  à la formation de tous les  élèves.

  • L’ouverture

  1. Dans la fonction de pilotage s’inscrit celle de conseiller technique auprès du chef d’établissement. Le documentaliste contribue à la définition de la politique documentaire de l’établissement auprès du chef d’établissement qui a besoin de s’appuyer sur des collaborateurs pour mettre en place une politique  au sein de son établissement.

 

Il s’agit :

  • d’évaluer les besoins documentaires de la communauté éducative

  • de proposer au chef d’établissement des priorités pour les acquisitions de façon transparente et cohérente,

  • de proposer les services offerts en matière de documentation et d’information

  • de contribuer à la définition  des documents que l’établissement publie sur Internet

  • de conseiller une charte d’usage des moyens de communication et d’information pour l’établissement dans la mesure où le documentaliste connaît ce domaine de par sa profession.

  • de proposer des objectifs d’ouverture culturelle et professionnelle. Aujourd’hui existent de multiples possibilités d’ouvrir l’établissement : cela nécessite une organisation.

Une circulaire est parue au BO du mois de décembre 2004 .Elle s’intitule Parcours citoyen concerne les chefs d’établissement, tous les documentalistes et les enseignants . Mais comme les documentalistes sont dans une mission transdisciplinaire et interdisciplinaire, cette circulaire vise à mettre de l’ordre dans l’ensemble des initiatives qui peuvent être prises au sein d’un établissement : par exemple dans la cadre de l’éducation à la citoyenneté qui concerne plusieurs acteurs, il s’agit de concevoir une synergie, une progression afin de ne pas céder à une initiative trop ponctuelle .

  • Il s’agit enfin d’ indiquer les moyens nécessaires et les modalités de management voire définir les moyens nécessaires pour faire fonctionner le centre de documentation et d’information de manière optimale en tenant compte de paramètres comme la taille de l’établissement. Il s’agit par exemple de réfléchir aux modalités d’intégration des assistants d’éducation au sein d’un CDI.

  1. Le deuxième volet du pilotage  est l’organisation des ressources documentaires de l’établissement (centre de ressources, réseau de ressources).

 

  • Comment peut-on avoir une vision globale de ressources de l’établissement ? Comment créer et faire évoluer les collections en fonction des besoins de l’établissement? Le chef d’établissement doit savoir comment sont composées les ressources documentaires, où elles sont, au CDI, au cabinet d’histoire géographie, au laboratoire de sciences, éventuellement dans les ateliers etc. Cela est du ressort du chef d’établissement car le documentaliste se sent quelque fois prisonnier sur son territoire, et il n’ose pas aller sur le territoire d’autres collègues. Sa responsabilité globale confère au chef d’établissement d’organiser l’accès aux ressources documentaires, donc de connaître les lieux où elles sont entreposées, comment on y accède, de définir quels sont les domaines réservés.

Il s’agit de créer et de faire évoluer le réseau de ressources documentaires, de le rendre accessible  à un maximum de lieux de l’établissement (Intranet) et de l’extérieur (Extranet).

 

III. Définir et faire évoluer le système d’information de l’établissement et en assurer la mise à jour.

Les activités de mise à disposition des documents pour toute la communauté éducative consistent à réaliser des acquisitions, à traiter les documents, faire connaître les ressources connaître le budget disponible ce qui n’est pas toujours simples car ils sont souvent éclatés entre différentes lignes : la LOLF va peut-être améliorer le système. L’effort de transparence de gestion et de travail en collaboration avec l’intendant ou le gestionnaire est nécessaire de même qu’il est souhaitable de suivre l’exécution du budget, information utile pour pouvoir gérer les investissements du CDI.

Le métier se complexifie dans plusieurs dimensions : dans la fonction d’enseignant, les publics ne sont peut-être pas les mêmes aujourd’hui, mais aussi devant l’abondance de l’information l’effort de tri est beaucoup plus important et ce travail ne peut se faire que localement au delà des services mis à disposition : le travail de veille et de portage aux collègues le travail de sélection  et de fléchage est très important à faire.

 

3.       La formation

 

Il faut que tous nos élèves soient formés à la maîtrise raisonnée intelligente des outils documentaires, des outils d’information, des outils de communication. Donc il faut organiser des séquences de découverte et d’approfondissement des ressources documentaires, ce qui ne signifie pas une discipline « documentation » d’enseignement. Il faut veiller à ce que tous les élèves ou étudiants soient formés à la méthodologie documentaire.

 Il s'agit aussi de contribuer à l'évaluation de l’atteinte des objectifs en matière de compétences informationnelles à la fin de chaque cycle. Certains personnels ont déjà expérimenté un référentiel de compétences : il est important d’avoir des outils, par exemple le porte-folio des compétences de Versailles, le certificat d’aptitude à la maîtrise de l’information (Orléans Tours), des outils qui peuvent permettre un dialogue avec les enseignants et le B2I lui-même.

Il faut aussi collaborer à l’évaluation des demandes pédagogiques de façon  à ce que les ressources documentaires soient mieux intégrées et donc coopérer avec les enseignants disciplinaires afin  de faciliter les usages des ressources documentaires tels qu’ils sont définis dans les programmes de chaque discipline. Faire comprendre par le dialogue que dans toutes les disciplines la documentation est présente. Dans tous les programmes disciplinaires du primaire à l’enseignement supérieur, les professeurs doivent développer des compétences : il s’agit d’apprendre à travailler, à devenir autonome et à savoir maîtriser l’information. Les compétences des documentalistes permettent travailler non seulement dans des dispositifs tels que les TPE, IDD, ECJS, PPCP, mais aussi dans le cœur des enseignements disciplinaires ; par exemple, les textes à paraître qui régissent la mise en place de la classe de troisième de découverte professionnelle soulignent l’importance des compétences transdisciplinaires et notamment de la maîtrise de l’information. au sein d’in enseignement particulier il y a une place pour l’apprentissage de la méthode documentaire te de la méthode de recherche de l’information.

Etre un acteur de nouveaux processus de formation qui font appel à des équipes pédagogique, des équipes enseignantes en général, c’est le rôle du documentaliste de faciliter les travaux disciplinaires ou interdisciplinaires sur la recherche d’information. Le travail de collaboration, l’encouragement à la créativité des élèves et l’initiative positive sont très importants.

Sensibiliser tous les membres de la communauté éducative de l’importance de l’information dans la société revient au documentaliste par sa situation, par sa fonction, par son grade. Il ne s’agit pas de former des publics privilégiés : l la troisième de découverte professionnelle est citée plus haut à dessein.

 

4.       L’ouverture

 

  • Sur l’environnement technologique et professionnel

  • Sur le culturel

  • Sur l’orientation, la connaissance des métiers

 

Le professeur documentaliste est un conseiller du chef d’établissement, il faut pour cela que l ‘établissement  affirme son projet pédagogique et que la documentation prenne toute sa place dans ce projet.

 

Madame Fructus ,

Enseignante documentaliste, intervient dans cette conférence pour apporter une parole professionnelle. Elle a exercé en lycée et collège,  a été formatrice à l’IUFM d’Aix Marseille  notamment au CAPES et également des deuxièmes années documentalistes. Elle est actuellement responsable du pôle de formation à la bibliothèque de CUJAS et présidente de la FADBEN.

 

 

Le professeur documentaliste, conseiller technique du Chef d’établissement ?

Clermont-Ferrand, 12 janvier 2005, Isabelle Fructus – FADBEN

 

Avant toute chose, je tiens à préciser que la fonction de « conseiller technique » du documentaliste n’est pas aux yeux de l’association que je représente une mission prioritaire de l’enseignant documentaliste. Toutefois, il est intéressant de voir ce que recouvre ce terme et ce qu’il pourrait signifier pour un enseignant documentaliste, d’autant que l’assistance comprend des personnels de direction et des enseignants documentalistes et que le dialogue entre ces différents personnels me paraît essentiel.

 

1. Questions de vocabulaire

Je voudrais tout d’abord  rapprocher le terme de conseiller d’autres  expressions proposées ici ou là lorsque l’on parle des enseignants documentalistes :

Ø       L’expert  :

-         Personne qui a une parfaite connaissance d’une chose due à une longue pratique

-         Personne apte à juger de quelque chose

La « chose » se situe forcément dans le cadre de sciences de l’information, la « parfaite connaissance » est certifiée par le CAPES, et la « longue pratique » ne doit pas faire oublier que notre profession est en grand renouvellement. Il apparaît ici que l’enseignant documentaliste peut porter un jugement, faire des propositions.

Ø       Le coordinateur :

-         Coordonnateur : terme administratif

-         Celui qui agence les choses dans un but déterminé

Le terme de « coordonnateur » risque de nous attirer vers une fonction administrative, ce que nous ne souhaitons pas. En revanche, on peut dire que le CAPES tel qu’il est construit sélectionne en effet des personnels qui ont l’aptitude à trier, organiser, synthétiser, prendre des décisions. Le « but » qu’ils doivent atteindre, c’est la formation de tous les élèves à l’information : ce n’est certes pas facile.

Ø      Le Conseiller :

-         Personne qui oriente dans des domaines spécifiques

-         (magistrat) position hiérarchique élevée

Il est clair que les domaines spécifiques de l’enseignant documentaliste recouvre ceux que nécessite la formation à l’information précisée précédemment. Je note au passage l’idée de « position hiérarchique élevée » associée au conseiller : l’agrégation devrait donc découler naturellement de ce statut…

 

2. Spécificité de l’enseignant documentaliste

Je propose donc d’analyser ce que peut apporter un enseignant documentaliste, dont les compétences sont souvent sous-exploitées ou mal exploitées.

Voici quelques textes institutionnels prescriptifs qui définissent ses missions :

-         La circulaire du 13 mars 1986 (priorité à l’axe pédagogique)

-         Des textes académiques : Nantes, Montpellier

D’autres points de vue éclairent (parfois différemment) cette jeune profession :

-         La réflexion des professionnels

-         La réflexion universitaire issue des Sciences de l’information

-         La réflexion issue des professionnels du monde des bibliothèques et centres de documentation

-         La réflexion issue du système éducatif : Rapport Durpaire

C’est donc tout en ensemble de regards croisés qui tracent finalement les contours particuliers de cette profession au carrefour de l’éducation et de l’information. Si le documentaliste est « conseiller technique », c’est en se tenant dans un certain nombre de limites que l’on pourrait tracer rapidement comme suit :

-         Ses domaines d’expertise sont les Sciences de l’information, la bibliothéconomie, la pédagogie

-         La démarche de projet est la plus adaptée aux types d’apprentissage mis en œuvre par l’enseignant documentaliste

-         La politique documentaire est le cadre local d’expression d’une vision du métier qui doit être nationale

 

Tout paraît donc assez clair quant aux apports spécifiques des enseignants documentaliste, mais pour autant la situation sur le terrain des établissements reste très contrastée.

Voici les principaux obstacles à des évolutions du métier :

-         La multiplication des tâches qui ne sont pas du ressort des enseignants documentalistes  (les manuels scolaires, par ex )

-         La marginalisation des apprentissages documentaires qui ne sont toujours pas intégrés dans les apprentissages scolaires « traditionnels » 

-         Le travail en solitaire : peu d’équipes réelles existent, il semble qu’il soit encore difficile de travailler en réseau, les CDI ne sont pas pourvus personnel d’aide stable et formé

-         Il y a souvent un « choc » des priorités définies par les différents acteurs : en groississant un peu le trait, on pourrait dire que le chef d’établissement veut « ouvrir » le CDI  et que l’enseignant documentaliste veut impulser une véritable formation des élèves

Il me semble pourtant qu’il est possible de sortir de ces impasses :

-         En définissant les tâches de l’enseignant documentaliste avec plus de précision : un texte national, avec des modalités d’adaptation dans les établissements

-         En promouvant des équipes pédagogiques qui intègrent l’enseignant documentaliste, la création d’équipes au sein des CDI (ce qui suppose du personnel d’aide stable et formé)

-         En ne laissant pas la pédagogie de projet à la marge de la vie pédagogique de l’établissement

-         Bref, en clarifiant à tous les niveaux des priorités

 

3. Quels types de conseil peut-on envisager ?

Ceci étant posé, que peut donc  faire l’enseignant documentaliste dans le domaine du conseil ? Je ne donnerai ici que quelques pistes.

Dans la phase initiale de mise en place d’un projet de politique documentaire, par exemple, l’enseignant peut participer à :

-         Évaluation de l’existant

-         Élaboration des critères d’évaluation de l’existant

-         Réalisation d’outils pour cette évaluation

-         Analyse des besoins au niveau de l’établissement

-         Collaborer au sein d’une équipe

C’est donc un domaine d’intervention assez large, mais il convient d’en préciser ici les limites :

-         La réalisation de l’évaluation ne peut être de son seul ressort

-         Le calendrier de l’évaluation nécessite l’engagement de l’équipe administrative

Par la suite, il peut encore intervenir en ce qui concerne les objectifs et les actions à mettre en œuvre :

-         Proposition des objectifs (système d’information, formation)

-         Analyse de la faisabilité de ces objectifs

-         traduction en actions, en moyens humains et matériels nécessaires

-         Participation à la mise en ouvre

Ici encore, il existe des limites :

-         le chef d’établissement reste bien sûr seul responsable

-         Domaine d’expertise : tout ce qui a été dit doit évidemment être compris dans le domaine d’expertise que nous avons défini.

 

En conclusion, on pourrait tenter de parler pour cette fonction de conseil d’un présent indicatif (car si variable d’un établissement à l’autre) et d’un futur conditionnel (car tout dépend des conditions qui sont faites aux enseignants documentalistes…). D’une fonction de conseil émiettée car informelle et non reconnue, personnalisée car trop liée à la reconnaissance individuelle de tel ou tel enseignant documentaliste (présent indicatif), il faudrait passer à  une fonction  de conseil (futur conditionnel) :

-         Ciblée, c’est-à-dire centrée sur les vraies compétences

-         Réaliste, c’est-à-dire qui ne doit pas prendre le pas sur la mission pédagogique

-         Professionnelle, c’est-à-dire qui s’effectue dans le cadre d’un statut reconnu

Pour cela, il faut :

-         Des textes de cadrage nationaux : circulaire de mission, référentiels

-         Une prise en compte globale de la mission du professeur documentaliste : il y a un équilibre à trouver entre ses différentes fonctions car on ne peut surajouter indéfiniment des tâches

Il s’agit donc de trouver pour cette fonction une juste place, appuyée sur les compétences reconnues d’un personnel qualifié et s’incarnant dans un contexte clarifié.

 

 


Conférence :

Laïcité, sectes et droit

Joël GOYHENEIX

à visiter pour lire ...
MISSION INTERMINISTERIELLE DE VIGILANCE ET DE LUTTE CONTRE LES DERIVES SECTAIRES
MIVILUDES

Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l'Individu

GUIDE  de l’agent public face aux dérives sectaires

Publication du CNDP
Prévention des risques de prosélytisme sectaire
Réf. 755 A0161 - 4,50 €

date : mercredi 9 février 2005 - 14 h 30

Lieu : CRDP d'Auvergne - 15, rue d'Amboise - 63000 Clermont-Ferrand

« Laïcité, sectes et droit »

 

Sur ces trois termes, deux n’ont pas de définition juridique : sectes, laïcité.

Il s’agit tout d’abord de situer la problématique dans son histoire récente puisque c’est un sujet d’actualité ; il y a cent ans que la loi consacrant la séparation des églises et de l’Etat a été votée ; il est intéressant d’avoir une réflexion commune sur l’état de la laïcité  aujourd’hui en France, cent ans après 1905 et un an après le vote le 15 mars 2004 d’une loi qui a fait beaucoup parler d’elle.

 L’article un de la loi 1905 dit que la République assure la liberté de conscience, elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt public.

L’article deux indique que la République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte.

Cent ans après, on peut constater que cette loi est un peu remise en question : certains se demandent « faut-il une nouvelle loi ? » Les rapports entre les religions et la République sont-ils bien définis par cette loi, et convient-il de ne surtout pas y toucher ? Comment cette loi est-elle appliquée en France et plus particulièrement dans l’éducation nationale, étant entendu qu’on aurait tort de circonscrire le problème à l’éducation nationale quand on parle de laïcité : il n’y a pas que l’école publique et l’école privée sous contrat qui soient concernées. Le sujet est passionnant. Au sens étymologique du terme : il déchaîne les passions.

Je me propose de l’aborder sous trois angles:

  • état des lieux aujourd’hui,

  • rappel des principes, de la Loi et de l’action de l’Etat,

  • la prévention des phénomènes sectaires.

Viendra ensuite un temps de réflexion commune et de débat.

 

La loi de 1905 n’est pas née brutalement. La deuxième partie du 19ème siècle a vu de nombreuses interventions publiques pour promouvoir la démocratisation de l’enseignement et l’émancipation des élèves, des garçons d’abord, puis des filles parce que l’enseignement en France relevait essentiellement de l’église catholique. A cette époque les thèses de la révolution sont encore très fraîches : Condorcet, Rousseau, sont réactualisés par Victor Hugo…de grands penseurs en France défendent l’idée qu’il n’est pas logique   de faire assumer la tâche d’éducation par une église. Apparaît une volonté claire de redonner à l’Etat une mission première d’éducation. C’est ainsi qu’on va créer les Ecoles Normales d’instituteurs et d’institutrices qui sont d’ailleurs construites à l’identique des séminaires. Au début du XXème siècle, jusqu’en 1923, une négociation avec l’église est menée pour essayer de stabiliser la place respective de l’enseignement catholique et de l’enseignement public. Trois religions sont représentées alors en France : la religion catholique, la religion protestante  et le judaïsme. Actuellement et depuis les années 70, 80% des élèves fréquentent l’enseignement public et 20% l’enseignement privé. Sur ces 20%, 2% fréquentent l’enseignement privé hors contrat.

En 1984, le ministre de l’Education Nationale avait proposé une loi unifiant le service public d’enseignement : cela avait provoqué de gigantesques manifestations. En 1994, les manifestations ont été provoquées par la proposition de révision de la loi Falloux. Dans l’histoire de France, seuls les débats sur l’école réussissent à mettre autant de manifestants dans la rue. D’où une certaine prudence par rapport à une loi qui a finalement trouvé son équilibre et dont on se demande si en la retouchant un peu, on ne va pas tout faire s’écrouler.

En un siècle, on a assisté à l’effondrement des grandes idéologies. L’affaiblissement des institutions religieuses a fait changer le paysage dans la société. Au début du siècle dernier et jusque vers 1960, l’instituteur laïc était formé à l’Ecole Normale, on lui apprenait à cultiver son jardin qui devait être « le modèle de son village », on lui apprenait aussi à animer le monde périscolaire pour faire concurrence au patronage privé. Les mouvements autour de la ligue de l’enseignement, les francas… sont nés de cet affrontement idéologique entre deux écoles. Un troisième phénomène participe aussi à cette perte de repères : la cellule familiale  a changé et de plus en plus d’élèves vivent des situations monoparentales, fait exceptionnel à la fin du 19ème siècle (sauf situations de veuvage plus fréquentes que maintenant).

 

Ces phénomènes ont entraîné de nouvelles formes de religiosité qui peuvent apparaître plus exigeantes, plus aliénantes et dangereuses.

Le terme de « secte » est délicat car il oblige à une discussion stérile entre sectes et mouvement neo religieux : du point de vue de la laïcité, il convient de ne pas renter dans ce débat. L’article deux de la constitution stipule que « la république ne reconnaît aucun culte » Cela appartient à la sphère privée.

Ces nouvelles formes de religiosité apparaissent de manière multiforme et ont un art de la transformation étonnant : elle peuvent mourir, renaître sous d’autres formes, sous d’autres noms. Elles posent un problème à la société, à la république. Certains ont pu parler de crise de l’état laïc.

Le pacte du jeudi est clairement révolu.

Entre les principes de 1905 et ce qui va aboutir  à un accord avec le Vatican en 1923, l’état français a accepté de reconnaître le jeudi pour la catéchèse et des spécificités à la religion : par exemple, un droit fiscal particulier pour les associations cultuelles : Elles ne paient pas de taxe foncière sur leurs propriétés. D’où aujourd’hui les problèmes que l’état français rencontre avec les témoins de Jéhovah : en tant qu’association cultuelle elle demande à bénéficier du même droit fiscal.

Le primat de l’éducation religieuse sur l’éducation, de Dieu sur Marianne est revendiqué fortement : on l’a vu par exemple avec la question du voile : certains parents disent que leurs enfants sont musulmans avant d’être citoyens ; ou avec le refus de participer à des goûters ou des sorties  scolaires pour les témoins de Jéhovah ; pour les adventistes du septième jour qui refusent d’aller en classe le samedi ; le refus des vaccinations aussi gagne du terrain…

Par rapport à cela, la loi prévoit pour des citoyens qui souhaitent ne pas se conformer au droit commun ou à l’éducation publique ou sous contrat, la possibilité d’une instruction propre : l’école n’est pas obligatoire en France : seule l’instruction l’est. Il y a en France environ 1300 enfants qui sont instruits à domicile par leurs parents; il y a 43 000 enfants instruits dans des établissement hors contrat, sans aucun lien avec l’état: par exemple, les écoles Steiner, des écoles qui appartiennent à telle ou telle congrégation religieuse, mais aussi des écoles du type Pigier : tout n’est pas forcément d’ordre religieux ou sectaire, il ne faut pas faire d’amalgame. Sur ces 43 000 enfants, on a malgré tout quelques fortes suspicions : certains apprendraient que la terre est plate ou ignoreraient tout de Darwin… Face à cela, la position des fonctionnaires d’état n’est pas toujours très facile: que faut-il aller inspecter ?, que convient-il d’éviter ?, que peut-on sanctionner ?  que doit-on observer ?…ces questions ont conduit petit à petit à une espèce de relativisme fatigué qui fait dire que tout se vaut et trop souvent on laisse faire…

Une autre théorie a gagné du terrain pendant ce siècle : le primat du droit de la famille sur les autres droits, qui relève d’une tradition anglo-saxonne : l’article 18 de la convention de New York, traité international que la France a paraphé, consacre le droit de la famille à élever ses enfants selon les convictions des parents. C’est un droit que l’on reconnaît aux parents. Le traité reconnaît aussi en contrepoids des droits aux enfants.

Moins d’état, plus d’individualisme, une volonté de respecter la liberté de chacun. En un siècle, on peut dresser le constat suivant : les choses ont beaucoup évolué: la fin du 19é et le début du 20é ont tenté d’uniformiser et la fin du 20è et le début du 21é clament plutôt la vertu des différences.

Une question de fond philosophique se pose : à qui incombe la responsabilité des enfants ? Chez les anglo-saxons, la conception évangéliste a tendance à dire qu’ils appartiennent aux parents d’abord. Dans nos sociétés européennes qui ont une conception démocratique plus forte, on part du principe que le peuple est souverain : il y a un primat de la société sur l’individu : c’est donc à la société de protéger l’enfant y compris contre les excès des parents.

Les questions qui se posent à nous maintenant s’expriment en des termes très différents du début du siècle dernier : les mentalités ont évolué, le dialogue de l’état avec l’église est devenu multiforme. Le législateur de 1905 n’avait pas imaginé que des religions non constituées en église apparaîtraient,  et que la formulation « séparation des églises et de l’état » pouvait poser problème: la religion musulmane a constitué une hiérarchie qu’elle ne connaît pas en instituant le conseil du culte musulman pour répondre à une volonté de l’État français.

 

Que dit le droit français ?

La laïcité est une valeur constitutionnelle de la république. L’article 10 de la déclaration de 1789 dit que « nul ne peut être inquiété pour ses opinions même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Tout le monde est d’accord avec cela mais ce n’est pas simple à mettre en pratique. L’article 11 dit que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. » Cela signifie que l’état n’est pas arbitre des croyances: cela fait partie de la sphère privée y compris pour les membres de l’éducation nationale.

Le principe de la valeur laïque n’est pas la tolérance, c’est le respect des valeurs, des croyances d’autrui : personne n’a à s’immiscer là dedans et je n’ai pas à dire qu’une religion est respectable ou non. Ce débat fait partie de l’ordre de l’intime et ne pas être vigilant à cela, c’est s’attaquer au fondamental, c’est à dire à la liberté de conscience.

Par contre, l’état a à éduquer, doit l’instruction aux jeunes, instruction qui émancipe les hommes, qui fonde leur autonomie de jugement. Cela s’inscrit dans le champ d’intervention de l’état et le rôle de l’éducation nationale est de garantir à l’ensemble des jeunes du pays  qu’ils auront droit à une instruction émancipatrice qui fondera leur autonomie de jugement : ce concept s’oppose au droit souverain des familles : l’enfant n’a pas obligation d’épouser les opinions de ses parents. L’instruction publique doit promouvoir le vrai et le juste et distinguer le vrai de ce qui serait révélé : aujourd’hui personne ne peut contester que la terre est ronde. Le peuple souverain dans nos démocraties se donne à lui-même sa propre loi, définit les droits imprescriptibles de l’homme et dans ce contexte-là la société est supérieure à l’individu. L’état, et donc les fonctionnaires que nous sommes, doivent veiller à ce que l’accès à la culture et à la maîtrise du jugement rationnel ne soit pas proportionnel aux inégalités de condition sociale. L’état doit aussi s’abstenir de privilégier ou de stigmatiser une option spirituelle particulière. La laïcité peut s’accorder avec chaque religion à une condition : c’est que les religions se situent dans le spirituel, affranchies de toute tentation cléricale. Or certaines religions veulent imposer leur credo en tant que loi.

 Le principe laïc est protecteur vis à vis de l’enfant par exemple, en cas de divorce et de droit de garde : « l’appartenance à une secte religieuse ou à une religion, ne peut en aucune matière être retenue par une juridiction comme instituant une cause de divorce, la liberté de religion étant  une des institutions les plus remarquables de notre démocratie ». C’est l’état du droit en France.

Mais la limite est posée par la cours de cassation : la lecture d’un jugement du 20 janvier 1978 indique: « si le mari ne pouvait sous peine de porter atteinte à la liberté de conscience de sa femme, interdire à celle-ci de pratiquer la religion qu’elle avait délibérément choisie, il était en droit que ce choix n’ait pas d’incidence grave sur la vie conjugale et familiale. » Le juge se fait particulièrement attentif quand l’intérêt des enfants est en cause : il en est ainsi lorsque la pratique du culte conduit à délaisser le foyer conjugal ou à y manifester par mysticisme des comportements extrêmes : par exemple, « un mari qui après s’être converti à une secte, pris d’une véritable frénésie religieuse, a transformé la maison familiale en un édifice consacré à son culte et obligé sa femme et ses enfants à de longues prières et méditations journalières ». Dans ce cas le divorce est de droit et pour faute.

Par contre pour l’adoption  et en ce qui concerne les enfants, la législation,  protectrice, est attentive au contexte et peut refuser de confier la garde d’enfants à des familles d’accueil dont les parents qui, en tant que témoins de Jéhovah, refusent une transfusion sanguine  car ils sont opposés à l’usage de cette méthode thérapeutique de par leur croyance. Il est cependant remarquable de constater que le juge se refuse le droit d’assimiler la notion de secte avec celle de danger.

En ce qui concerne l’urbanisme, l’exercice du droit de préemption d’une mairie vis à vis de témoins de Jéhovah en vue de la construction d’un édifice religieux, sera débouté par le tribunal administratif car il s’agit d’une atteinte à la liberté religieuse. C’est d’ailleurs pour cela que les mouvements sectaires ou religieux, y compris fondamentalistes se revendiquent toujours des principes laïcs qu’ils jugent à juste titre, protecteurs. Et quand l’église de scientologie écrit au ministre de l’éducation nationale et se plaint de la politique du ministère, c’est pour expliquer que la laïcité n’est pas bien appliquée, que la laïcité impose la tolérance de leur existence.

Par exemple, au nom de ce principe de stricte neutralité qui s’impose à tout représentant de l’état, le conseil d’état du 23 juin 2000 donne un avis défavorable à une surveillante qui porte un foulard. Cet extrait du jugement est révélateur de la philosophie de la compréhension de la laïcité par la justice en France : « L’administration ne peut se fonder exclusivement sur les opinions politiques d’une personne pour l’écarter des fonctions publiques, les seules opinions politiques en soi ne peuvent fonder une décision administrative, l’agent public est libre de ses opinions et croyances, libre de les manifester hors du service. De la même façon il ne peut être reproché à un agent ses convictions religieuses ».

Cette liberté de conscience n’est pas absolue, car elle se heurte à un principe : la laïcité de la république, qui implique une neutralité du service public. La constitution proclame, en son article deux, la laïcité de la république, pour tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. La laïcité est la neutralité, le respect de la liberté de conscience de chacun». On ne se contentera donc pas d’exiger une neutralité de fait du service mais d’exiger du fonctionnaire qu’il donne les apparences de la neutralité: à aucun moment l’usager ne doit pouvoir douter de celle-ci. Pour cela l’agent public est tenu par son comportement, ses manifestations et son habitude de ne pas susciter le doute parmi les usagers. Ainsi un cadre supérieur ne peut critiquer violemment son chef de service, son ministre ou la politique du gouvernement. Il est possible aussi pour l’administration d’écarter un candidat à un concours.

Si la neutralité est requise de tout service public, elle l’est plus encore pour ceux qui ont la charge de l’encadrement et de la formation des élèves. Par contre, on fait une distinction claire entre agent public et usager : les usagers du service public peuvent eux porter un signe par lequel ils entendent indiquer leurs convictions religieuses. C’est pour cela  qu’il a fallu une loi.

La liberté trouve ses limites quand même dans quelques hypothèses : on ne peut admettre les actes de pression, de provocation, de prosélytisme des élèves. On n’admet pas non plus les comportements qui porteraient atteinte à la dignité, au pluralisme, à la liberté de l’élève ou de tout membre de la communauté éducative. On refusera toute perturbation du déroulement des activités éducatives des enseignants, du rôle éducatif des enseignants ou tout trouble apporté à l’ordre dans les établissements. Enfin, on exigera  de la même façon un strict respect du contenu des programmes et de l’obligation d’assiduité. Cela signifie que les élèves refusant d’aller à la piscine sont passibles de sanctions.  Si la république est laïque, qu’elle ne reconnaît aucun culte c’est parce que toutes les croyances ont le droit d’être librement exprimées. La neutralité signifie une reconnaissance de tous. Cette neutralité est conçue avant tout pour les usagers. C’est au nom du respect de leurs convictions que l’état est neutre afin de permettre leur expression. L’agent public est donc placé dans une situation radicalement différente de celle de l’usager : si le second a le droit en conséquences d’exprimer ses convictions religieuses dans les limites inhérentes d’un bon fonctionnement du service public, l’agent ne doit pas, ne peut pas par son comportement autoriser un quelconque doute sur la neutralité du service.

Le rapport entre les religions et le droit ne laisse que très peu de champ à l’interprétation. 

L’éducation nationale face à ces problèmes.

L’idée de base est l’absence de spécificités des religions face à la loi. Elles sont tenues de respecter la loi, le droit civil, le droit pénal, le droit de l’urbanisme et le droit à l’éducation. Il n’y a pas de droit « spécial »pour les religions.

C’est pour cela qu’en décembre 1998, une loi a été votée dite « loi Royal », tendant au renforcement de l’obligation scolaire qui a donné lieu au décret du 23 mai 1999. (BO n°3 du 20 mai 1999).

 L’inspecteur d’académie doit diligenter un contrôle annuel pour tous les enfants qui sont instruits à domicile. L’éducation nationale doit vérifier que l’éducation dispensée aux élèves vise à les amener à un niveau de compétences et de connaissances comparable à celui des élèves fréquentant un établissement d’enseignement public ou privé sous contrat. Si les résultats sont insuffisants, un deuxième contrôle est effectué. Si rien ne se passe, les parents sont mis en demeure par le juge d’inscrire leur enfant en école publique ou privée sous contrat.

Tout en respectant le libre choix pédagogique, la loi dit que les familles peuvent instruire, qu’il peut y avoir des établissements privés hors contrat. Cela signifie que certaines familles ont fait le choix de progressions, de supports pédagogiques qui ne sont pas ceux de l’école publique ou de l’école privée sous contrat. En respectant ce libre choix, il faut s’assurer du niveau des élèves par des tests, (ce peut être le rôle de la CPPS de les mutualiser), il s’agit de veiller à ce que tous les enfants bénéficient d’une véritable éducation permettant leur socialisation, leur éducation à la citoyenneté et s’appuyant sur les valeurs universelles des droits de l’homme et de l’enfant. C’est là que pourra se situer le débat, car la socialisation de l’enfant instruit à domicile dans des mondes particulièrement fermés n’est pas toujours évidente. Pour faire vivre cette loi et pour protéger les enfants,  le ministère a décidé de créer une cellule de prévention des phénomènes sectaires (CPPS) en 1996. Elle a des objectifs clairs : formation des personnels d’encadrement, information des personnels éducatifs, et information des élèves.

Quelle est notre attitude par rapport aux fonctionnaires appartenant aux mouvements sectaires ?

L’éducation nationale réaffirme le principe de liberté de conscience. L’histoire de Chomérac en témoigne : des parents d’élèves reconnaissent en habit d’apprentis gourou de la secte du Mandarom le directeur de l’école de leur village à la télévision. Dès le lundi, des lettres sont envoyées au député, au maire, au préfet ; le député pose une question orale à l’assemblée nationale, le ministre  appelle donc les autorités locales : recteur, IA-DSDEN, puis un IEN qui va inspecter ce professeur des écoles, il fait un rapport et… augmente la note de deux points !, l’IA-DSDEN retourne le rapport au ministre mécontent qui envoie deux inspecteurs généraux sur place pour procéder à une contre visite : ils constatent la même chose que l’IEN : c’est un bon instituteur. Ce qui vaut un grand titre dans un journal local le lendemain : « l’éducation nationale protège les sectes ». Non, l’éducation nationale ne protège pas les sectes,  l’éducation nationale protège la liberté de conscience du fonctionnaire. S’il y avait eu la moindre trace de prosélytisme dans l’enseignement de cet instituteur, il aurait été sanctionné.

 

Par ailleurs, l’attitude vis à vis des enfants doit être protectrice : il faut veiller à ce que le droit à l’éducation de chaque enfant soit effectif : c’est pour cela que les contrôles annuels à domiciles sont nécessaires, que les établissements hors contrat doivent être visités régulièrement. L’état ne peut pas s’abstenir : les enfants qui fréquentent ces écoles privées hors contrat ne l’ont pas choisi et nous devons veiller à ce que le droit élémentaire à l’éducation soit respecté et dans le cas contraire nous devons faire jouer l’arsenal juridique et faire en sorte que l’enfant soit retiré de ces établissements ou de la famille.

Les rapports laïcité, sectes, religions et droit sont complexes, toujours nuancés, toujours évolutifs. Les croyances sont un fait social et l’état, organe de régulation de la vie sociale, peut difficilement s’abstenir. Or la loi de 1905 ne répond qu’imparfaitement aux évolutions : aujourd’hui des religions veulent disposer de carrés spécifiques dans les cimetières, ce n’est pas prévu par la loi. Le statut de congrégation s’applique très mal aux cultes sans tradition monastique ; l’entretien des églises est à charge des collectivités locales, et pose problème par rapport à l’émergence de nouveaux cultes, problèmes doublés par l’ingérence de puissances étrangères qui viennent parfois se substituer à la république pour financer des lieux de culte et ce faisant ont parfois aussi leur mot à dire sur la teneur des propos dans ce lieu…

La loi de 1905 est en équilibre instable : personne ne sait si on peut y toucher sans engendrer un grand déséquilibre… La loi ne peut pas satisfaire le besoin de spiritualité. Ce n’est pas son objet et partout où on s’y est essayé, cela a été un échec. Laissons à chacun le choix de sa façon d’étancher sa soif de spiritualité. Veillons simplement à ce que l’école émancipe les hommes et les femmes, ce que Jean Zay appelait « l’école libératrice ». Soyons intransigeants sur les principes de laïcité à l’école. Il n’y va pas seulement de l’avenir de l’école mais bien de l’avenir de la république. Montesquieu disait que la république a besoin de toute la puissance de l’éducation : si les principes de laïcité devaient s’affaiblir demain en France, c’est toute l’institution républicaine qui s’affaiblirait. Ce serait la montée des communautarismes, ce serait une vision de la société totalement différente de celle qui a fondé la République Française : je vous encourage donc à continuer à servir la jeunesse, la laïcité, la République…  Il n’est pas de cause plus noble !


Conférence :

La Gestion des Ressources  Humaines après la LOLF

Yves CHEVALIER
Direction Générale de l'Administration de la Fonction Publique

CV Yves ChevalierRéforme budgétaireConférence

Lieu : CRDP d'Auvergne - 15, rue d'Amboise - 63000 Clermont-Ferrand
Public : .tout public cadre

Date : Jeudi 17 mars 2005
  - 14-17 h

 

Yves CHEVALIER

18, rue Pierre Sémard

75009 PARIS

Tél. : 01 42 85 00 19 (dom.) 01 42 75 86 20 (bur.)

Né le 19 avril 1957 à Bourges (Cher)

Marié, 2 enfants

 

 

DIPLÔMES - FORMATION

 

Baccalauréat économique et social (mention Bien) 1976

CAP d’instituteur 1978

Diplôme de fin de cycle préparatoire au concours interne de l’ENA 1986

École nationale d’administration (promotion « Liberté-égalité-fraternité » : 1987-1989)

 

CARRIÈRE - FONCTIONS EXERCÉES

 

*     Depuis le 13 novembre 2003 : Chef de service à la Direction générale de l’administration et de la fonction publique

 

Coordination des dossiers communs aux deus sous-directions chargées des statuts et des rémunérations et de la GRH : regroupement de corps, politique salariale, régimes indemnitaires, temps de travail, recrutement, formation…

 

Coordination et animation du travail interministériel sur les interactions entre la réforme budgétaire et la réforme de la fonction publique.

 

Evolutions des trois fonctions publiques.

 

 

*     Du 2 octobre 1998  au 12 novembre 2003 : Sous-directeur des statuts et des rémunérations à la Direction générale de l’administration et de la fonction publique

 

Responsable d’une équipe de 45 personnes, essentiellement composée d’agents de catégorie A, mes missions se rattachent à la définition de la politique générale de gestion de la fonction publique :

 

- principes généraux (gestion des carrières, discipline, déontologie, responsabilité, égalité hommes-femmes, impact de la construction européenne sur la gestion de la fonction publique, positions statutaires, instances paritaires, déconcentration de la gestion des personnels) ;

 

- coordination statutaires (évolution de la grille de la fonction publique, statuts particuliers, gestion des agents non titulaires, résorption de l’emploi précaire, nouvelle bonification indiciaire) ;

 

- politique de rémunération et temps de travail (politique salariale, régimes indemnitaires, retraites, aménagement et réduction du temps de travail).

 

*     Du 9 juillet 1997 au 1er octobre 1998 : conseiller technique, cabinet du ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’État et de la Décentralisation

 

 

*     1er juillet 1995 - 30 juin 1997 : ministère du Budget (direction du Budget)

 

Adjoint au chef du bureau 2 B (mobilité)

 

 

*     1er février 1989 - 30 juin 1995 : conseiller des Chambres régionales des comptes

 

Conseiller près la Chambre régionale des comptes d’Orléans

 

En outre :

 

- activités d’enseignements de 1990 à 1995 (Finances publiques en DESS gestion des collectivités locales à l’université d’Orléans et droit constitutionnel) ;

 

- rapporteur auprès de la Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques (1992-1995) ;

 

- rapporteur auprès du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics (1994-1995).

 

*     1er février 1987 - 31 janvier 1989

 

Élève de l’ENA (promotion Liberté égalité fraternité)

 

*     1er novembre 1984 - 31 janvier 1987

 

Élève du cycle préparatoire à l’ENA (centre de formation professionnelle et de perfectionnement du ministère de l’Économie et des Finances).

 

 

*     1er septembre 1976 - 30 octobre 1984

 

Instituteur dans le département du Cher : élève de l’Ecole Normale d’instituteur à Bourges jusqu’en 1978  puis instituteur dans des classes de section d’enseignement général et professionnel adapté (enfants et adolescents en difficulté scolaire)

 

DISTINCTIONS

 

2002 : Légion d’Honneur (chevalier)

 

La réforme budgétaire.

 

Origines, contenu et portée.

 

Promulguée le 1er août 2001, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est issue d’une proposition de loi votée, à la quasi unanimité, par les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Un tel consensus politique est suffisamment rare pour être souligné mais s’il est advenu, c’est que des motifs sérieux devaient concourir à sa formation.

D’une manière générale, la LOLF exprime, de la part des parlementaires, une forte aspiration démocratique en termes de transparence et affirme une volonté de renouvellement, voire de révolution de la gestion publique :

-          l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui était en quelque sorte la constitution financière de l’Etat, était conçue comme un acte d’autorisation de moyens budgétaires segmentée en 850 chapitres. La discussion ne portait que sur une faible part des crédits, les mesures nouvelles, et la conception du budget n’était pas destinée à renseigner le Parlement et les citoyens sur les objectifs et les résultats des politiques et des services publics ;

-          dans ce contexte de pauvreté conceptuelle de la discussion budgétaire (selon la formule d’Edgar Faure « litanie, liturgie, léthargie »), l’augmentation des crédits d’un ministère d’une année sur l’autre était considéré comme un critère essentiel de réussite de l’action d’un ministre et, de fait, depuis 30 années consécutives, la France se trouve en situation de déficit budgétaire quelles que soient les évolutions de la conjoncture économique. Or, ce déficit structurel entraîne un accroissement du service de la dette qui limite d’autant la marge de manœuvre de l’Etat.

C’est fort de ce constat d’insatisfaction générale que le Président de l’assemblée nationale a mis en place, en 1998, un groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire dont le rapport fut intitulé : « Contrôler réellement pour dépenser mieux et prélever moins ».

L’objectif central des concepteurs de la réforme était ainsi clairement affiché : éclairer le politique pour le remettre au centre de l’autorisation parlementaire et redonner tout son sens à la notion de consentement à l’impôt. Tous les parlementaires aspiraient depuis longtemps (près de 40 propositions de réforme de l’ordonnance de 1959 étaient restées lettre morte) à reprendre la main et plusieurs éléments de contexte allaient contribuer à la réussite de cette nouvelle initiative parlementaire :

-          la persistance des déficits publics ;

-          une demande forte de transparence émanant de la presse et des citoyens ;

-          depuis 1995, des progrès ponctuels qui nécessitaient une mise en cohérence d’ensemble : débat d’orientation budgétaire, contractualisation et globalisation des crédits, publication mensuelle de l’exécution budgétaire….

-          les réformes budgétaires réalisées par nombre de nos partenaires européens dans les années 1990.

Rappelés de manière extrêmement rapide, ces éléments historiques permettent de comprendre l’enjeu stratégique d’une réforme dont les concepteurs étaient animés de la conviction que le secteur privé n’a pas le monopole de l’efficacité. C’est dire que leur ambition était immense et que sa concrétisation ne pourra réellement s’accomplir que si les acteurs de la gestion publique (parlementaires, ministères, fonctionnaires) parviennent à en faire un véritable levier de la réforme de l’Etat.

Sans entrer dans l’ensemble de ses dispositions techniques, la présentation de la réforme et de ses conséquences peut s’ordonner autour de deux thèmes :

- la transparence de la gestion et la portée de l’autorisation parlementaire ;

- la recherche de l’efficacité et de la performance.

1. La réforme budgétaire est destinée à renforcer la transparence de la gestion publique et la portée de l’autorisation parlementaire

L’amélioration de la transparence de la gestion budgétaire et le renforcement des prérogatives parlementaires se traduisent tout d’abord par de nombreuses dispositions qui inscrivent le débat budgétaire dans une perspective d’évolution stratégique des finances publiques :

- au moment de la discussion de la loi de finances, présentation au Parlement d’une stratégie pluriannuelle d’évolution de l’ensemble des administrations publiques ;

- présentation globale de l’évolution des prélèvements obligatoires et d’un rapport consolidé du PLF et du PLFSS de telle sorte que le Parlement ait une image globale du financement des politiques publiques ;

- institutionnalisation du débat d’orientation budgétaire.

Dans ce contexte nouveau ce sont tous les mécanismes qui concourent à la définition et à la portée de l’autorisation parlementaire qui se trouvent modifiés, tout particulièrement en ce qui concerne les dépenses de personnel.

1.1. L’évolution des modalités de l’autorisation parlementaire renforce les prérogatives du Parlement

1.1.1. Les crédits ne sont plus votés par nature mais par destination.

Alors que le Budget était, depuis 1959, voté par titre et par ministère (en fait par ministère et par titre dès le budget de l’année 1960), il le sera désormais par mission. Une mission regroupe l’ensemble des crédits concourant, quel que soit le ministère chargé de les gérer, à la mise en œuvre d’une politique publique. Le nouveau budget de l’Etat comportera 47 missions (dont 10 interministérielles) et le seul budget général en comptera 34 (dont 9 interministérielles).

Chaque mission sera divisée en programmes ministériels (158 dont 132 pour le budget général). Les programmes regroupent l’ensemble des crédits de toute nature destinés à atteindre des objectifs de politique publique. Ils constituent un échelon de spécialité des crédits et non de vote. Chaque programme sera, à son tour, décliné en un certain nombre d’actions.

Dans ce nouveau cadre, le pouvoir d’amendement du Parlement pourra retrouver tout son sens. Dans les limites fixées par l’article 40 de la Constitution, les parlementaires pourront modifier la répartition des crédits d’une même mission en augmentant ou diminuant les dotations prévues pour chacun des programmes qui la composent.

1.1.2. Le parlement examine la justification de l’ensemble des crédits.

Sous le régime de l’ordonnance organique de 1959, la distinction entre services votés et mesures nouvelles conduisait à n’examiner que les variations marginales (5à 6% des crédits) de dotations budgétaires considérées comme pratiquement intangibles. Désormais, le vote des crédits s’effectuera sur la bas d’un constat d’exécution et de prévisions actualisées d’exécution et conduira à l’examen de l’ensemble des facteurs d’évolution (positive ou négative) de la dépense. C’est le principe de la justification au premier euro.

Loi de règlement.

1.2. La traduction de cette évolution en matière de crédits de rémunération

1.2.1. Les crédits du titre II représentent le plafond global des dépenses de personnel de chaque programme

1.2.2. Un plafond ministériel des emplois rémunérés par l’Etat est associé à l’autorisation en crédits.

 

 

Une autorisation budgétaire globale et fongible, spécialisée par programme ministériel, doit ainsi permettre aux gestionnaires d’optimiser la gestion des moyens que leur consent le Parlement et de rendre ainsi le service public plus performant.

2. La réforme budgétaire est une réforme d’ensemble de la gestion publique orientée vers les résultats et la recherche de l’efficacité

Vote global et larges possibilités de redéplioiement.

2.1. Les caractéristiques de la gestion par la performance

2.1.1. La performance est définie et contrôlée

2.1.2. La recherche de la performance a pour corollaire la déconcentration des responsabilités managériales

2.2. Les conséquences de la gestion par la performance sur les ressources humaines

2.2.1. Une nécessaire déconcentration des processus de gestion

2.2.2. Une bonne articulation entre déconcentration et pilotage stratégique

 

La réforme budgétaire et la gestion des ressources humaines.

Yves Chevalier,

Chef de service à la DGAFP, ministère de la fonction publique et de la réforme de l’État.

Promulguée le 1er août 2001, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est issue d’une proposition de loi votée, à la quasi unanimité, par les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Un tel consensus politique est suffisamment rare pour être souligné mais s’il est advenu, c’est que des motifs sérieux devaient concourir à sa formation.

D’une manière générale, la LOLF exprime, de la part des parlementaires, une forte aspiration démocratique en termes de transparence et affirme une volonté de renouvellement, voire de révolution de la gestion publique :

-                      l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui était en quelque sorte la constitution financière de l’Etat, était conçue comme un acte d’autorisation de moyens budgétaires segmentée en 850 chapitres. La discussion ne portait que sur une faible part des crédits, les mesures nouvelles, et la conception du budget n’était pas destinée à renseigner le Parlement et les citoyens sur les objectifs et les résultats des politiques et des services publics ;

-                      dans ce contexte de pauvreté conceptuelle de la discussion budgétaire (selon la formule d’Edgar Faure « litanie, liturgie, léthargie »), l’augmentation des crédits d’un ministère d’une année sur l’autre était considéré comme un critère essentiel de réussite de l’action d’un ministre et, de fait, depuis 30 années consécutives, la France se trouve en situation de déficit budgétaire quelles que soient les évolutions de la conjoncture économique. Or, ce déficit structurel entraîne un accroissement du service de la dette qui limite d’autant la marge de manœuvre de l’Etat.

C’est fort de ce constat d’insatisfaction générale que le Président de l’assemblée nationale a mis en place, en 1998, un groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire dont le rapport fut intitulé : « Contrôler réellement pour dépenser mieux et prélever moins ».

L’objectif central des concepteurs de la réforme était ainsi clairement affiché : éclairer le politique pour le remettre au centre de l’autorisation parlementaire et redonner tout son sens à la notion de consentement à l’impôt. Tous les parlementaires aspiraient depuis longtemps (près de 40 propositions de réforme de l’ordonnance de 1959 étaient restées lettre morte) à reprendre la main et plusieurs éléments de contexte allaient contribuer à la réussite de cette nouvelle initiative parlementaire :

-                      la persistance des déficits publics ;

-                      une demande forte de transparence émanant de la presse et des citoyens ;

-                      depuis 1995, des progrès ponctuels qui nécessitaient une mise en cohérence d’ensemble : débat d’orientation budgétaire, contractualisation et globalisation des crédits, publication mensuelle de l’exécution budgétaire….

-                      les réformes budgétaires réalisées par nombre de nos partenaires européens dans les années 1990.

La réforme budgétaire est ainsi destinée à renforcer la transparence de la gestion publique et la portée de l’autorisation parlementaire. Elle constitue également, et peut-être surtout une réforme l’ensemble de la gestion publique orientée vers les résultats et la recherche de l’efficacité.

Rappelés de manière extrêmement rapide, ces éléments historiques permettent de comprendre l’enjeu stratégique d’une réforme dont les concepteurs étaient animés par la conviction que le secteur privé n’a pas le monopole de l’efficacité. C’est dire que leur ambition était immense et que sa concrétisation ne pourra réellement s’accomplir que si les acteurs de la gestion publique (parlementaires, ministères, fonctionnaires) parviennent à en faire un véritable levier de la réforme de l’État. Ce faisant, la réforme budgétaire appelle nécessairement une évolution de la gestion des ressources humaines (GRH) de l’État.

1. Pourquoi doit-on se poser la question des relations entre la LOLF et la GRH ?

Pour tenter de répondre à cette question, il convient :

- de revenir sur les débats parlementaires (travaux préparatoires à la LOLF) ;

- d’identifier les facteurs qui conduisent à ce que la GRH constitue le principal enjeu de la réforme de la gestion publique.

         1.1. La question de la GRH a été éludée lors des débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la Lolf mais elle a fait l’objet de la part du Parlement d’une explicitation récente.

         Ø La lecture des travaux parlementaires ne fait ressortir que trois grandes séries de questions, exprimées en termes de risques, lors des auditions de représentants des organisations syndicales :

         - le risque d’un phénomène de substitution entre emploi titulaire et non titulaire au détriment de la première catégorie ;

         - la question formulée en termes très généraux, de la compatibilité entre le statut des fonctionnaires et la Lolf ;

         - la crainte d’une réduction programmée des effectifs.

         Ø Un rapport de la commission des finances de l’AN de juillet 2003 va plus loin dans l’analyse en évoquant, de manière plus positive, trois thèmes principaux :

         - l’émergence de la notion de métier et le dépassement d’une gestion par corps ;

         - l’évolution nécessaire des modes de rémunération des agents publics :

                     rémunération de l’emploi occupé ;

                     rémunération de la performance.

         - l’indispensable déconcentration des actes de gestion afin de donner aux cadres opérationnels la maîtrise des choix de GRH, notamment en ce qui concerne les promotions et les recrutements.

La conclusion de la partie du rapport consacrée à la GRH mérite d’être citée in extenso :

« Pour fonctionner, une gestion de l’État par la performance suppose un changement des règles de recrutement, de promotion et de mutation des personnels, dans le sens d’une plus grande déconcentration. Or, si la déconcentration des actes relatifs au temps partiel ou aux congés est en cours, les actes examinés en CAP restent encore trop centralisés ».

1.2. Un consensus se dégage aujourd’hui pour considérer que la Lolf ne pourra réellement constituer une réforme de la gestion publique que si elle s’accompagne d’une réforme de la GRH.

Il importe toutefois de ne pas faire de la LOLF la mère de toutes les réformes. De nombreux aspects de la modernisation de la GRH préexistent à l’entrée en vigueur de la LOLF mais la réforme budgétaire renforce la nécessité d’une plus grande ambition réformatrice.

         Ø La nécessité d’une réforme de la GRH est antérieure à la mise en œuvre de la Lolf. Évoquée largement dans la circulaire de 1989 sur le renouveau du service public, elle a constitué un thème récurrent de tous les projets de réforme de l’État. Le thème de la déconcentration a notamment toujours été au centre des débats, mais, après une première vague de déconcentration au début des années 90, le mouvement s’est essoufflé et les ambitions initiales revues à la baisse.

Les ministères ont tous, à des degrés divers, tenté de faire entrer la GRH dans les mœurs en travaillant sur divers thèmes :

         - la déconcentration de la gestion ;

         - l’évaluation des fonctionnaires et la gestion des parcours professionnels ;

         - la gestion des avancements et des rémunérations accessoires ;

         - l’évolution des métiers, la connaissance de l’emploi public et la GPEEC.

Sur le plan général, une évolution très importante est intervenue en avril 2002 avec le décret portant réforme de la notation et introduisant l’évaluation dans le droit positif.

         Ø La logique de performance qui anime la LOLF renforce cette exigence de réforme de la GRH de l’État.

Si la LOLF est souvent perçue comme une réforme technique, elle est avant tout, dans son esprit, une réforme du management public destinée à maximiser la performance des administrations et des politiques publiques.

        

         1.2.1. La LOLF est aujourd’hui assez largement perçue à travers un prisme technique, celui de la globalisation des crédits et de leur fongibilité.

Les dépenses de personnel sont en effet le domaine où l’autorisation parlementaire est en rupture profonde avec l’ordonnance de 1959 (articles 5, 7 et 12 de la LOLF) :

- autorisation budgétaire orientée vers la destination : la masse salariale est partie intégrante de l’enveloppe globale des crédits du programme destinée à mettre en œuvre une politique publique ; c’est donc la définition des objectifs et les attentes en matière de résultats du programme qui orientent désormais l’évolution et la gestion des crédits de personnels ;

- simplification et globalisation de l’autorisation en crédits et en emplois : auparavant, le Parlement autorisait la dépense en fonction de sa nature à un niveau de détail très fin (850 chapitre segmentaient à l’extrême l’autorisation en crédits). Désormais, le gestionnaire dispose d’une enveloppe globale de crédits par programme (128 programmes pour le budget général) à l’intérieur de laquelle il peut opérer des arbitrages dans la mesure où les crédits sont fongibles (s’agissant des crédits de titre II constituant la masse salariale, la fongibilité est asymétrique, i.e les crédits de titre II constitue le plafond des dépenses de personnel et les marges dégagées sur les autres titres de dépenses ne peuvent abonder les crédits de titre II ; la seule marge de manœuvre = virements de crédits entre programmes d’un même ministère dans la limite de 2%). Ce qui est vrai de l’autorisation en crédits l’est aussi pour l’autorisation en emplois : à l’autorisation détaillée par corps et grades succède un plafond ministériel des emplois rémunérés par l’État au sein duquel des arbitrages sont possibles ;

- primat de l’autorisation en crédits sur l’autorisation en emplois : sous le régime de l’ordonnance organique de 1959, l’autorisation budgétaire était morcelée (une partie en emplois et une partie en crédits) et ne permettait pas au gestionnaire d’avoir une vision globale des moyens mis à sa disposition. Désormais, le gestionnaire de programme et de BOP a une vision d’ensemble de sa masse salariale[1] et l’autorisation en emplois s’apparente à un garde-fou (volume d’ETP) ;

- budgétisation fondée sur l’exécution et la justification des besoins réels : la distinction services votés/mesures nouvelles étant supprimée, le vote des crédits se fonde sur l’examen de leur justification au premier euro. En pratique, cela signifie que les gestionnaires vont devoir expliciter et justifier les variations d’une exécution à l’autre.

Dans ce nouveau contexte, il faudra nécessairement définir les règles de gestion de la gestion globalisée et de la fongibilité des crédits et des emplois dans la mesure où la gestion budgétaire de ces enveloppes globales et fongibles s’accomplira dans un cadre déconcentré, celui des budgets opérationnels de programme (BOP) :

1.                  la gestion budgétaire des ETP et la gestion des emplois (postes) au sens statutaire seront séparées mais c’est précisément cette séparation qui imposera d’avoir une gestion intégrée des RH et des crédits de personnels (les DRH devront apprécier et maîtriser les conséquences budgétaires de tous les actes de gestion) ;

2.                  dans ce nouveau contexte, les DRH devront concilier deux séries de contraintes : la soutenabilité budgétaire des décisions RH à moyen et long terme ; le respect des règles statutaires (retour de détachement, retour d’un temps partiel à un temps plein, relations entre les différentes voies de recrutement : le nombre de recrutement par concours entraîne un certain nombre de recrutements par la voie de la promotion interne) ;

3.                  c’est en tenant compte de ces contraintes économiques et juridique que la fongibilité pourra s’exercer et permettre : un arbitrage emplois salaires (indemnitaire) ou un arbitrage sur la structure des emplois (requalification à prévoir suffisamment tôt car la modification du périmètre des emplois vacants dans chaque corps a des répercussions sur les processus de recrutement et de gestion). Il faudra donc distinguer, au sein des décisions de fongibilité, celles qui engagent le long terme de celles qui ne produisent de conséquences qu’à court terme.

1.2.2. Au-delà de cette dimension technique, la LOLF vise à introduire dans la gestion publique, une culture de la performance dont la dynamique se renforcera progressivement.

Chaque programme sera en effet assorti d’objectifs et d’indicateurs destinés à permettre une évaluation publique et démocratique de l’action des administrations.

Article 51 LOLF (extraits) :

5° Des annexes explicatives développant conformément aux dispositions de l'article 5, pour l'année en cours et l'année considérée, par programme ou par dotation, le montant des crédits présentés par titre et présentant, dans les mêmes conditions, une estimation des crédits susceptibles d'être ouverts par voie de fonds de concours. Ces annexes sont accompagnées du projet annuel de performances de chaque programme précisant :

a) La présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ;

b) L'évaluation des dépenses fiscales ;

c) La justification de l'évolution des crédits par rapport aux dépenses effectives de l'année antérieure, aux crédits ouverts par la loi de finances de l'année en cours et à ces mêmes crédits éventuellement majorés des crédits reportés de l'année précédente, en indiquant leurs perspectives d'évolution ultérieure ;

d) L'échéancier des crédits de paiement associés aux autorisations d'engagement ;

e) Par catégorie, présentée par corps ou par métier, ou par type de contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l'Etat et la justification des variations par rapport à la situation existante ;

 

Article 54 LOLF (extraits) :

4° Les rapports annuels de performances, faisant connaître, par programme, en mettant en évidence les écarts avec les prévisions des lois de finances de l'année considérée, ainsi qu'avec les réalisations constatées dans la dernière loi de règlement :

a) Les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ;

b) La justification, pour chaque titre, des mouvements de crédits et des dépenses constatées, en précisant, le cas échéant, l'origine des dépassements de crédits exceptionnellement constatés pour cause de force majeure ;

c) La gestion des autorisations d'emplois, en précisant, d'une part, la répartition des emplois effectifs selon les modalités prévues au e du 5° de l'article 51, ainsi que les coûts correspondants et, d'autre part, les mesures justifiant la variation du nombre des emplois présentés selon les mêmes modalités ainsi que les coûts associés à ces mesures ;

Les projets annuels de performance (PAP) et les rapports annuels de performance (RAP) conduiront les gestionnaires à faire des choix stratégiques, à les justifier et à les mettre en œuvre avec moins de contraintes réglementaires mais en contrepartie d’une obligation de résultat.

En toute logique, les responsables de programmes seront conduits à décliner les objectifs et indicateurs politiques dont ils doivent répondre en objectifs et indicateurs opérationnels destinés à manager l’activité quotidienne de leurs services et à mettre en place des processus de reporting. La définition de la stratégie appartiendra aux administrations centrales et la gestion opérationnelle sera assurée par les services déconcentrés dans le cadre d’un pilotage d’ensemble fondée sur un dialogue de gestion formalisé. La mise en œuvre de la gestion de la performance implique en effet une démarche à la fois itérative, progressive et apprenante.

La diffusion de cette nouvelle culture managériale ne peut s’accomplir sans une évolution parallèle progressive des pratiques de GRH de l’État, voire sans une réforme du cadre juridique de gestion des fonctionnaires.

2. Comment faire évoluer la GRH de l’État ?

Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’identifier les processus de gestion en cause et de s’interroger sur les conditions de la gestion du changement.

            2.1. Les processus de GRH.

D’une manière classique, on distingue les processus de recrutement et les processus de gestion à proprement parler. La distinction est un peu artificielle dans la mesure où le recrutement est un acte fort de gestion mais elle permet d’appréhender la GRH en évoquant successivement les processus de recrutement sur les postes et la gestion pendant le temps d’occupation du poste. Dans une perspective de gestion par la performance, cette dichotomie permet de bien poser les termes du débat.

         2.1.1.  Les processus de recrutement doivent être entendus dans une acception large et analysés au regard d’une exigence d’optimisation de la qualité du recrutement sur les postes qui concourent à la performance globale de l’organisation.

         - Les objectifs d’une organisation performante visent à :

                    satisfaire dans la durée ses besoins en termes de compétences (GPEEC) ;

                     assurer la meilleure adéquation possible entre les profils professionnels des agents et les postes en diminuant le taux de vacance ;

                     gérer de manière optimale sa pyramide des âges en privilégiant telle ou telle voie de recrutement.

         - Les différentes voies de recrutement sont :

                     concours externe ;

                     concours interne ;

                     promotion interne (examen professionnel et liste d’aptitude, à terme, reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle) ;

                     mutation interne

                     recrutement externe de fonctionnaires (détachement)

                     recrutement d’agents non titulaires.

La performance de l’organisation requiert un pilotage fin de ces différentes voies de recrutement :

         - pour assurer un bon équilibre des âges et des compétences ;

         - parce que toutes ces décisions de recrutement ont un impact variable sur le pilotage de la masse salariale. Cet impact variable pose au demeurant le problème de la conciliation entre la recherche de la performance et la mise en œuvre d’orientations de politiques RH globales (recrutement des personnes handicapées, maintien en fonction de salariés de plus en plus âgés…).

         2.1.2.  Les processus de gestion contribuent à assurer le meilleur niveau possible de compétence et de performance des personnels à moyen et long terme. Ils tendent à concilier les logiques de court terme (recherche de la performance) et les logiques de long terme (gestion d’une fonction publique de carrière).

         - Le recrutement est en effet opéré pour une longue durée. La sécurité de l’emploi est garantie par deux dispositions essentielles du Statut général des fonctionnaires :

                     l’article 12 de la loi du 13 juillet 1983 dispose : « En cas de suppression d’emploi, le fonctionnaire est affecté dans un nouvel emploi dans les conditions prévues par les conditions prévues par les dispositions statutaires régissant la fonction publique à laquelle il appartient ».

                     l’article 36 de la loi du 11 janvier 1984 dispose :  « Pour l’application du quatrième alinéa de l’article 12 du titre 1er du statut général, en cas de suppression d’emploi, le fonctionnaire est affecté dans un emploi de son corps d’origine au besoin en surnombre provisoire ».

         - Cette caractéristique fondamentale du contexte statutaire de la gestion des fonctionnaires rend, encore plus que dans le secteur privé, indispensable une optimisation des processus RH destinée à garantir le meilleur niveau d’employabilité possible tout au long de la vie et d’entretenir la motivation professionnelle.

         - Dans cette perspective, trois processus apparaissent essentiels :

                     la formation professionnelle continue :

                            à plans de formation ;

                            à adaptation individuelle des thèmes de formation au cours des entretiens d’évaluation.

                     la gestion des déroulements de carrière :

                            à le mode de régulation des avancements : le ratio de promouvabilité ;

                            à les critères de choix des personnels promus, la mobilité professionnelle et les parcours de carrières : la politique d’évaluation de la valeur professionnelle des agents ;

                     la gestion des rémunérations :

                            à Objectifs : une rémunération équitable et qui reconnaît l’implication au travail et les résultats obtenus.

                            à Déclinaison : une approche différenciée en fonction des niveaux de qualification.

            2.2. Les conditions du changement.

Deux dimensions doivent être pensées simultanément :

         - une dimension organisationnelle et technique ;

         - une dimension managériale, humaine et sociale.

                   2.2.1. La dimension organisationnelle et technique nous est traditionnellement la plus familière.

La définition de ces règles du jeu de la fongibilité et de la gestion par la performance implique la construction de nouveaux rapports entre les acteurs et le positionnement des DRH comme pilotes du changement. La dissociation entre les périmètres de la décision budgétaire et de la gestion statutaire rend indispensable l’émergence d’une fonction de régulation inter programmes.

Les DRH sont ainsi appelées à jouer un double rôle :

         - un rôle de prestataire de service performant :

                     optimiser des processus et fournir des outils ;

                     industrialiser certaines opérations de gestion (e RH).

         - un rôle de régulateur juridique, politique et social.

                     garantir la bonne application du statut et le respect de la règle de droit (principe d’égalité de traitement) ;

                     définir une politique générale sur certains domaines clés (par exemple la politique indemnitaire) et en rendre compte.

Concrètement, les DRH seront chargées de faire vivre un dialogue de gestion spécifique aux RH qui ne pourra avoir de sens, et d’efficacité, que s’il s’accompagne d’un dialogue social renouvelé, notamment à l’échelon local, pour aborder les questions relatives à l’utilisation des marges dégagées sur les crédits de personnel, les redéploiements d’effectifs, la structure des qualifications et pour accompagner la gestion par la performance (objectifs-indicateurs-résultats).

La DRH devra également chercher à mettre en œuvre la déconcentration tout en garantissant le pilotage de l’organisation (pilotage mais pas centralisation). D’une manière générale, tant en ce qui concerne la gestion des crédits que la gestion des ressources humaines, il conviendra d’établir un nouvel équilibre entre déconcentration et pilotage stratégique, entre services déconcentrés et administrations centrales :

- même si la LOLF met en avant la mission (niveau de vote) et le programme (niveau de spécialisation des crédits), la notion de ministère ne disparaît pas : le ministère organisera la coordination pour gérer le plafond d’emplois et garantir la bonne gestion du statut (personnels appartenant à un même corps rattachés à divers programme, principe d’égalité de traitement…) ;

- même si la LOLF obéit à une logique verticale, une coordination devra intervenir pour garantir la cohérence de l’action territoriale de l’État : le projet de BOP est transmis au responsable de programme sous couvert du préfet (qui peut saisir le CAR), assorti de son avis pour les aspects qui le concernent ; le préfet approuve la liste des UO (les UO étant ordonnateurs secondaires délégués ; le préfet est ainsi acteur du dialogue de gestion).

 

 

                   2.2.2. La prise en compte de la dimension managériale, humaine et sociale conditionne l’entrée en vigueur de l’esprit de la Lolf.

         Ø Des résistances au changement peuvent provenir de l’ensemble des acteurs de la gestion publique.

         - résistances syndicales par rapport au processus de déconcentration auquel les organisations syndicales sont traditionnellement hostiles pour des raisons de principes (égalité de traitement) ou des raisons internes ;

         - résistances des personnels par rapport à la crainte de l’inconnu ou de l’arbitraire. Ces résistances doivent toutefois être nuancées car les premières expérimentations montrent que les acteurs de terrain dialoguent assez naturellement sur les objets concrets qui intéressent leur vie de travail. Il reste que la notion de performance peut générer des inquiétudes ;

         - résistances des administrations centrales :

                     inquiétude par rapport aux outils de pilotage et à la gestion 2006 ;

                     inquiétudes à propos de l’avenir de l’organisation ;

                     question de la régulation budgétaire ;

                     question de la régulation statutaire.

        

         Ø La gestion du changement obéit à un maître mot : le dialogue organisé.

Le sens de la réforme et le sens des mots doivent être compris et intériorisés sur un mode positif : la réforme repose certes sur des contraintes extérieures auxquelles il faut s’adapter mais elle trouve aussi son origine dans une interrogation des valeurs du service public et de ses missions. Rendre le meilleur service au meilleur coût, adapter en permanence le service public à son environnement sont finalement des objectifs assez classiques qui participent de la fierté et de l’honneur qui doivent s’attacher à l’exercice d’une fonction publique. La notion de performance n’est à cet égard rien d’autre qu’une déclinaison du principe de mutabilité du service public et de l’obligation faite à tout agent public de rendre compte de son administration (articles 14 et 15 déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789).

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 :

Art. 14.

Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Art. 15.

La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

La gestion de la performance conduit à se fixer des objectifs, à réfléchir à la manière de les atteindre, à examiner les causes du succès et des échecs, nullement à renier la notion même du service public.

Pour que le sens de la réforme ne participe pas d’une démarche de persuasion mais soit intériorisé et compris par les personnels, il importe de faire vivre un dialogue social et un dialogue de gestion qui constituent un ensemble cohérent au service d’un nouveau management. La crédibilité de la réforme implique également un effort de transparence, notamment en matière d’évolution de l’emploi public et d’appréciation des résultats.

En définitive, la bonne mise en œuvre d’une réforme aussi complexe, dont le déploiement s’effectuera nécessairement sur plusieurs années, suppose l’émergence d’un climat de confiance et de passer d’une gestion contrôlée a priori à une gestion responsable, c’est-à-dire une gestion dont les résultats sont mesurés ou évalués a posteriori et sanctionnés de manière transparente avec de fortes garanties d’objectivité.

 

*

La LOLF = une réforme dont le mode de gestion et de déploiement est original : elle se co-élabore entre les acteurs à tous les niveaux.

Elle nécessite une certaine prise de risque et l’acceptation d’une part d’erreur et de tâtonnements.

Pour enclencher le mouvement, encore faut-il changer l’approche de la gestion et de l’évaluation de l’encadrement supérieur et favoriser l’initiative et l’innovation.


 

[1] Art 5 LOLF : les dépenses de personnel comprennent : les rémunérations d’activité, les cotisations et contributions sociales, les prestations et allocations diverses).