LA PRECOCITE INTELLECTUELLE, L’ECOLE ET LES APPRENTISSAGES

 Selon 4 principes :

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE. 4

Chapitre 1 : Généralités. 4

1.1. Cadre institutionnel 4

Chapitre 2 : Définitions, caractéristiques et identification des EIP. 6

2.1. : des mots pour les définir ou les désigner, 6

2.2. Les caractériser 6

2.2.1. En général 6

2.2.3. Dans les incidences médicales. 10

En guise de conclusion pour cette partie. 12

2.3. Les identifier 13

2.3.1. Rôle du quotient intellectuel (Q.I.) 13

2.3.2. Remarques générales. 15

2.3.3. Inné ou identification ?. 18

2.3.4. Au collège. 20

2.3.5. et à l’âge adulte. 21

Chapitre 3 : des solutions envisageables pour leur accueil 21

3.1. Le saut de classe. 21

3.2. Le doublement 22

3.3. Les structures dans les établissements scolaires. 22

3.4. Le regroupement des élèves. 23

3.5. Les adaptations pédagogiques. 24

3.6. La formation des enseignants. 24

Chapitre 4 : interactions enseignants et parents. 25

4.1. Des dérives et des critiques. 25

4.2. Le rôle des enseignants. 27

4.3. Le rôle des parents. 27

Chapitre 5 : ENQUETE sur l’Académie de CLERMONT-FERRAND. 30

CONCLUSION GENERALE. 32

BIBLIOGRAPHIE (essentiellement française) 34

OUVRAGES. 34

TRAVAUX. 35

REVUES. 36

EMISSIONS TELEVISEES : 36

 

 

INTRODUCTION GENERALE

 

Pourquoi aujourd’hui se poser la question des élèves intellectuellement précoces (E.I.P.) ? En France, un récent rapport commandé par Jack LANG alors Ministre de l’Education Nationale a non seulement établi certaines bases pour porter un regard sur ces élèves peu identifiés mais surtout ce rapport a permis de déclencher une autre dimension dans la question de la différenciation relayée certes par les médecins mais aussi au sein de l’Institution.

Certes les associations ont agité l’aiguillon qui a permis d’ouvrir davantage une porte sur les questions que certains enfants soulèvent pour leurs parents, que certains élèves soulèvent pour leurs enseignants et qui se posent alors pour ces mêmes parents devenus  parents d’élèves.

 

Car, commençons par l’affirmer : les EIP doivent faire face à un faisceau d’attitudes et de regards, souvent éléments d’inconfort : d’abord car ils doivent apprendre à vivre avec la fierté des parents, la curiosité des professeurs et puis… l’ironie mêlée d’admiration de leurs camarades. Et puis parce que reconnus EIP, ils ne réussissent pas tous à la hauteur des espoirs ou récriminations auxquels ils sont soumis. Et encore parce que non reconnus, ils ignorent pourquoi ils sont si mal à l’aise à l’école, puis si mal à la maison, si mal ici et maintenant mais aussi ailleurs et tout le temps. Or, quel que soit le potentiel d’un élève, quelles que soient ses aptitudes connues ou non, l’indifférence à sa situation de souffrance ne peut être.

Aussi bien, une école qui, prédéterminant les années scolaires en fonction des aptitudes ou compétences évaluées, offrirait des conditions de scolarité exceptionnelle à ceux reconnus les plus doués, serait à l’inverse de notre conception qui affirme l’accueil, sans exclusion, ni exclusive de tous les élèves quels qu’ils soient pour les conduire au plus haut niveau de leur réussite.

Des chiffres, basés sur des éléments quantitatifs statistiques, au regard de la norme du quotient intellectuel QI, sont annoncés : au moins ou environ 200 000 élèves seraient concernés… dans des réussites allant de l’excellence à l’échec total.

Dès lors, la véritable question posée reste celle de la différence : plagiant puis adaptant aussi certains propos[1] , ne conviendrait-il pas toujours et en tout lieu de :

-          viser l’insertion du sujet dans la vie sociale mais en le faisant accepter par le groupe quel qu’il soit ;

-          prôner l’intégration sans biffer la différence, sans vouloir effacer à tout prix l’anormalité ;

-          exiger une adaptation à la différence car là sera sa reconnaissance.

 

Nos structures scolaires existantes peuvent permettre cette prise en compte, mais il reste un véritable écueil : celui, une fois connu ses caractéristiques, de reconnaître cet élève dans « son autrement ».

Mais cette difficulté, inhérente semble-t-il à l’école, est aussi une vraie question parentale : en effet chacun en sait l’importance dans les épanouissements certes pour son statut d’élève mais aussi dans celui futur de professionnel au sens où ce devenir se construit en tout lieu, familial, scolaire et autre.

 

Enfin, les parents veulent aussi comprendre comment faire pour que leur enfant apprenne le mieux possible ; ils veulent savoir non seulement qui il est et comment ils peuvent l’aider ou l’accompagner mais aussi savoir comment créer des liens avec, en particulier, l’institution que représente l’Education Nationale et ses acteurs face aux désarrois constatés pour tous quand les difficultés parviennent.

  

Chapitre 1 : Généralités

 

1.1. Cadre institutionnel

 

Le rapport coordonné par J.P. DELAUBIER à la demande du ministère de l’Education Nationale (DELAUBIER, 2002, p 23 à 26, 28)[2] reprend fort bien l’état de la réflexion réglementaire concernant les EIP : aucun texte officiel en vigueur n’avait fait référence explicitement jusqu’à une date récente aux élèves surdoués, intellectuellement précoces ou à haut potentiel.

 

Toutefois la loi d’orientation du 10 juillet 1989 a posé le principe du « droit à l’éducation […] garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté ».

 

De la sorte, chaque étape du parcours scolaire est organisée pour prendre en compte les besoins des élèves et leur permettre de développer leurs possibilités :

*ainsi d’une scolarité organisée en cycle et des modalités précises pour, notamment, l’avancée plus rapide – et ce, même en collège depuis l’année scolaire 2002/2003 –,

*ainsi l’offre d’itinéraires différenciés et de véritables possibilités d’enrichissement des contenus (travaux croisés, itinéraires de découverte, TPE, TPCP, enseignements optionnels, ateliers artistiques… confer les orientations ministérielles du 5 avril 2001)[3]

*ainsi l’apport à tous les niveaux d’une aide adaptée aux difficultés scolaires (rôle ici des RASED (Réseau d’Aide Spécialisé aux Elèves en Difficulté) pour le 1er degré et des COP (Conseillers d’Orientation Psychologues) pour le 2ème degré)

*ainsi des dispositifs d’évaluation des compétences (GS/CP, CE2, 6ème, 5ème, 2ème)

*ainsi du développement des programmes personnalisés d’aide et de progrès (PPAP).

 

Tous ces dispositifs existent et sont d’ores et déjà mis en œuvre pour de nombreux élèves ; sans doute leur réalité pour, tout autant, les élèves intellectuellement précoces constituerait-elle une véritable avancée, … à condition toutefois de considérer ces dispositions moins « comme moyen de compenser des manques et des carences » qu’à les penser « comme des leviers pour faire avancer un élève démobilisé qui s’impatiente ou s’ennuie et pour répondre à des profils complexes et déséquilibrés » (DELAUBIER, p 26).

 

Il est intéressant de remarquer aussi avec la mise en place des contrats de réussite dans les réseaux d’éducation prioritaire, l’émergence de la notion d’excellence scolaire : « Tout en portant, bien sûr, la plus grande attention aux progrès de tous les élèves, il importe aussi de pousser plus résolument la jeune élite scolaire qui émerge des quartiers populaires à aller le plus loin possible, c’est à dire au-delà des filières qui lui semblent communément accessibles [ …] Il s’agit de ne pas limiter a priori et d’épauler comme il convient les ambitions scolaires les plus hautes que certains peuvent nourrir. Il importe donc de concilier en permanence ces deux facettes de l’excellence scolaire : une progression commune et des réussites remarquables. » (Circulaire n°2000-08 du 8 février 2000).

 

Une liste des textes légaux qui prendrait acte de tous les dispositifs susceptibles d’être en particulier adapté aux EIP (problèmes des âges légaux) est à ce jour disponible (JC TERRASSIER, P. GOUILLON, 1998, p 116 à 118, 9) : le constat reste qu’une grande latitude est donnée à l’Institution grâce aux dispenses toujours envisageables et aux bonnes volontés réunies dans le cadre des objectifs d’apprentissage généraux.

 

Mais, à titre d’exemple et pour aller dans ces dispositions à la fois réglementaires et à la limite du pédagogique – ces deux axes se doivent d’être toujours les plus proches possibles les uns des autres -, le rapport DELAUBIER émet quelques propositions en particulier pour les établissements du second degré puisque c’est, en effet, au niveau du collège que se cristallisent les difficultés :

-          en un premier temps, inclure dans le projet de collèges innovants et volontaires, les réponses aux besoins des élèves à quotient intellectuel élevé rencontrant des difficultés dans leur scolarité en concevant un cahier des charges minimal :

- répartition de ces élèves dans plusieurs classes hétérogènes ;

- élaboration d’un programme personnalisé pour chaque élève concerné à partir d’un bilan psychologique et d’une évaluation des compétences dans tous les champs des activités scolaires ;

- offre, dans le cadre de ce programme, de possibilités d’enrichissement des contenus, d’aide individualisée et, éventuellement, d’une anticipation de certains enseignements de l’étape ultérieure ;

- ouverture d’une possibilité d’accélération du cursus ;

- évaluation et suivi débouchant sur un réajustement annuel du programme personnalisé ;

- apport d’une formation adaptée et d’un accompagnement psychologique et pédagogique des enseignants.

Dans le contrat passé avec ces collèges, serait également formulé le principe d’une évaluation globale du dispositif.

-          dans un second temps, privilégier, dans le choix de ces collèges, les initiatives susceptibles d’être prises dans les zones d’éducation prioritaires, et plus généralement les établissements prêts à s’engager dans un projet d’accueil de toutes les formes de diversité

-          à terme, après évaluations des expériences conduites, amener chaque établissement à inclure dans son projet la prise en compte positive de toutes les différences et, entre autres, à se mettre en état d’assurer le complet épanouissement des élèves intellectuellement précoces.

-          au niveau du lycée, veiller à une bonne articulation entre le programme personnalisé mis en place au collège et l’accueil en classe de seconde.

 

Concernant le cadre plus général dans lequel s’inscrit la question des EIP, le docteur Elisabeth ZUCMAN, professeur honoraire au CNEFEI à Suresnes, s’est intéressée à la notion de besoin éducatif spécifique qui inclut aussi ces élèves : dans une interview accordée au CRHES (Collectif de Recherches : « situations de Handicap, Education, Sociétés »), elle précise à nouveau ce qu’elle entend par-là ; ainsi, à la lecture de ses analyses, et selon nos considérations, la définition suivante pourrait être retenue : « Le besoin éducatif spécifique [particulier] peut se concevoir autour de la notion de PEI (projet éducatif individualisé) ; il peut s’entendre non plus à partir d’un diagnostic médical dépourvu pour l’école de sens en pédagogie, mais à partir de l’analyse détaillée de l’ensemble des difficultés temporaires ou durables d’un élève pour apprendre. Ainsi, quelles que soient les causes somatiques, sociales ou psychologiques et leur intensité, on se doit d’observer certes les troubles mais aussi les capacités et aspirations des élèves et les ressources de l’environnement familial et social, c’est-à-dire être au plus près de l’enfant aussi élève, de sa famille, de l’équipe enseignante, de tous les partenaires qui oeuvrent pour et avec lui dans les participations actives de chacun ».

 

  

Chapitre 2 : Définitions, caractéristiques et identification des EIP

 

2.1. : des mots pour les définir ou les désigner,

  

…Ainsi, « le terme surdoué » apparu dans les années 30 renvoyant à la notion très contestable de don et en outre non scientifique, ou bien l’expression «  enfant ou adolescent à haut potentiel intellectuel » favorisant une appréciation déterministe et inégalitaire de la réussite scolaire, c’est donc l’expression « élève intellectuellement précoce » qui est retenue comme étant la moins chargée d’a priori idéologique et la moins mauvaise, … à condition que l’on « s’accorde sur le fait que les niveaux d’aptitude correspondant à un quotient intellectuel élevé, résultent d’une avance dans un développement linéaire » (DELAUBIER, p 4, 28).

 

 

2.2. Les caractériser

 

2.2.1. En général

 

1) D’abord un postulat évident : les EIP sont d’abord des enfants ; dès lors, il y a autant d’enfants intellectuellement précoces que d’autres d’enfants quelles que soient les caractéristiques retenues voire les besoins particuliers considérés. En effet, de nombreux constats relevés dans la recherche universitaire belge déjà mentionnée (2001, p 23, 20) montrent que les EIP ne présentent pas davantage de problèmes psychologiques que les autres enfants et qu’ils sont aussi stables d’un point de vue émotionnel que les autres.

Toutefois selon Jeanne SIAUD-FACCHIN (2002, p40, 7), l’enfant surdoué présente des caractéristiques affectives qui vont colorer tout son développement et à partir desquelles il construira son identité.

Telles sont, selon cette auteure, les données de base :

l L’hypersensibilité émotionnelle

Tous les sens de l’enfant sont exacerbés (hyperesthésie) et il perçoit avec une acuité exceptionnelle tout ce qui se passe autour de lui. L’enfant est constamment « bombardé » d’informations sensorielles en provenance de l’environnement.

-          éponge émotionnelle,

-          fragilité émotionnelle,

-          susceptibilité importante.

l L’empathie

L’enfant ressent avec une grande finesse l’état émotionnel des autres. Il perçoit des émotions imperceptibles par les autres et parfois avant même que la personne concernée en ait pris conscience elle-même.

-          capacité fine de compréhension et de communication avec autrui,

-          anticipation anxieuse.

l La lucidité

L’association de l’hyper réceptivité émotionnelle et de la perspicacité intellectuelle donne à l’enfant surdoué une lucidité perçante sur son environnement.

-          compréhension aiguisée et approfondie du monde,

-          hyper vigilance émotionnelle,

-          tension constante, impossibilité de « lâcher prise ».

 

Les particularités du fonctionnement affectif de l’enfant surdoué sont à la fois une force et une fragilité dans son développement psychologique. Ces caractéristiques sont communes à l’ensemble des enfants surdoués ; elles constituent des éléments de diagnostic. Les singularités affectives pèsent de façon aussi importante dans la personnalité de l’enfant surdoué que ses singularités intellectuelles.

 

2) Ensuite il est difficile et surtout dangereux voire simplificateur de catégoriser l’EIP en terme de « possède ou ne possède pas » telle ou telle caractéristique. Toutefois, les divers travaux et écrits rapportés dans la bibliographie, les rencontres avec des parents et enseignants concernés, enfin les observations des enseignants ayant accueilli ces élèves permettent de préciser certains traits communs à l’ensemble des EIP : ces caractéristiques nombreuses et non exhaustives (quelques listes sont proposées en ANNEXE N° 4, 5, 9) restent imprécises et même impossibles à évaluer de manière objective ou opérationnalisables.

 

Toutefois, nous pouvons en considérer 3 catégories : (Rapport DELAUBIER  p.13 à 15, 28)

A- tout d’abord des aptitudes ou caractéristiques correspondant aux aspects de l’intelligence évalués à travers le Q.I. : la mémoire ou la rapidité du traitement de l’information (travaux de DE GROOT (1974) et JC GRUBAR (1977) sur les mémoire de travail et durée de stockage des informations), tout autant que la curiosité, l’aisance dans la communication orale, la richesse du vocabulaire, la capacité à s’approprier des connaissances par leurs propres moyens.

De plus, selon MC VICHOT-CHALON (1996, p 42, 21), l’enfant précoce se caractérise aussi par une véritable mobilité cognitive due à de grandes capacités :

-          de perception (en fonction de trois indices : inférentiel, catégoriel, prédictif)

-          d’attention sélective (très concentré quand le sujet l’intéresse, il se démobilise quand il connaît le sujet ou que le sujet ne l’intéresse pas)

-          de mémoire (grande efficacité de la mémoire de travail qui utilise une mémoire à long terme développée).

L’enfant précoce comprend vite, mais sa réponse peut être différée dans le temps. Il prend en compte un certain nombre d’indices supérieurs à la normale avec plusieurs solutions possibles selon les critères de hiérarchisation choisis.

Cette mobilité cognitive se traduit par la capacité de l’enfant précoce

-          - à réaliser des décompositions

-          - à pousser des analyses à partir de discriminations subtiles

-          - à élaborer des hypothèses de combinaisons

-          - à restructurer ses connaissances

 

B- ensuite et surtout le constat de difficultés significatives dans le déroulement des parcours scolaires : il s’agit d’élèves qui ont manifesté, à un moment donné, soit des troubles comportementaux importants, soit des difficultés spécifiques dans les apprentissages scolaires, soit, plus globalement, un malaise, un « mal-être », un sentiment d’ennui qui a pu les conduire à un véritable rejet de l’école. Ainsi, ils sont susceptibles de rencontrer deux types de difficultés :

-des difficultés liées à l’écart entre les aptitudes fortes que révèlent ces enfants dans certains champs d’activité intellectuelle et leur moindre aisance, voire leurs manques, dans d’autres domaines. La plupart d’entre eux ont, en effet, en commun un déséquilibre entre les potentialités supérieures à la moyenne dont rend compte le quotient intellectuel et qui se manifestent dans diverses situations (impliquant, par exemple, la richesse du vocabulaire, la lecture, la langue orale, la mémoire…) et des insuffisances marquées dont les plus souvent citées concernent l’écriture, la présentation des devoirs et des cahiers, les savoir-faire pratiques, la capacité à entrer en relation et à coopérer avec l’autre, l’organisation du travail, la maîtrise des gestes et des émotions, les activités physiques…

-une difficulté centrale : l’incapacité (ou la faible capacité) à s’adapter aux situations scolaires avec ses conséquences (isolement, ennui, rêverie, agitation, refus de l’école…) : cette difficulté ne doit pas être présentée, d’une manière trop simpliste, comme ayant pour seule cause l’insatisfaction du besoin de connaissances éprouvé par ces enfants, insatisfaction engendrant « l’ennui ». « Les cas qui nous sont rapportés révèlent un tableau plus complexe :

¾ Ce sont effectivement des enfants qui n’ont, en général, qu’un faible intérêt pour une partie des activités qui leur sont proposées, soit parce qu’elles portent sur des compétences ou des connaissances qu’ils ont déjà acquises et donc peu intéressantes pour eux, soit parce qu’elles ne répondent pas à leur besoin, ou envie d’apprentissage, soit aussi parce qu’elles se situent dans des domaines où ils éprouvent de réelles difficultés et qu’ils ont désinvestis (écriture, éducation physique, orthographe…).

¾ Ils ont aussi du mal à se plier aux contraintes inhérentes à la situation scolaire, par exemple dans sa dimension collective (« attendre les autres », « travailler avec les autres »…). De même, ils n’acceptent pas facilement la nécessité d’adopter une méthode, d’analyser les données d’un problème, de passer par un certain nombre d’étapes pour atteindre une solution (ils préfèrent « sauter » directement au résultat). Ils ont l’habitude d’une démarche intellectuelle personnelle, libre, solitaire et vont vers certains plaisirs.

¾ Il est évident que ce retrait voire ce défaut d’investissement dans les activités scolaires conduisent inévitablement ces élèves à des résultats décevants. Leur travail, y compris dans des disciplines où ils devraient réussir, fait l’objet d’appréciations négatives.

¾ Même si les réactions varient considérablement d’un individu à l’autre (du repli et de l’inhibition jusqu’à l’agitation extrême), la présence de troubles de comportement est l’un des éléments les plus fréquents des descriptions relevées. »[4]

 

Il reste cependant notable que cette inadaptation peut prendre une intensité et une forme tout à fait différentes d’un enfant à l’autre en fonction de sa personnalité mais aussi des contextes scolaires (ou familiaux) dans lesquels il évolue.

 

C- enfin des difficultés personnelles sans lien direct (apparent) avec les potentialités repérées à travers le quotient intellectuel : ces enfants sont, comme les autres, engagés dans une histoire affective et sociale ; ils peuvent avoir, comme les autres, des maladies ou des handicaps.

 

 

 

Certaines recherches (MASSE .L., 2001, p 15-37, 56) révèlent que les difficultés relationnelles vécues semblent peu liées à des déficiences chez les élèves doués, ces derniers manifestant généralement une maturité et une adaptation socio affectives égales ou supérieures à leurs pairs non identifiés comme doués.

 

Précisément, il paraît ici toutefois opportun d’apporter quelques commentaires sur les capacités relationnelles des EIP : ainsi, dans le « Quotidien du Médecin » du 4 mai 2000, D. BAILLY nuance ces difficultés de relation souvent données comme obligatoires. « La personnalité de ces enfants conduit même à penser qu’ils sont plutôt favorisés par rapport aux autres sur le plan de l’adaptation sociale. Leur curiosité, leur capacité de mémoire et de concentration, leur aptitude au commandement en font des individus assez armés pour affronter les différents événements qu’ils rencontreront dans la vie », estime ce professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Lille-II. Une étude menée récemment à l’hôpital ROBERT DEBRE auprès des enfants reçus en consultation dans l’établissement révèle des troubles d’adaptation chez 10 % seulement des enfants surdoués. « Cependant, la dyssynchronie entre les capacités cognitives et le développement moteur et affectif peut induire des difficultés dans la gestion des relations personnelles et, de ce fait, des troubles tempéramentaux. La sévérité des troubles est proportionnelle au niveau du quotidien intellectuel », souligne Daniel Bailly, qui voit dans un QI très élevé un des facteurs de risques principaux.

 

 

3) Comme beaucoup d’élèves, des comportements paradoxaux dans les apprentissages : pour donner un aperçu plus complet, il est à constater qu’en même temps, en classe, ces enfants semblent papillonner ; ils comprennent immédiatement toute explication, ils réussissent quelques exercices, puis ils se désintéressent du sujet et passent à un autre, tout différent, pour suivre alors un processus identique. Ils ne lisent que les histoires évoquant les sujets qui les intéressent et deviennent quasi analphabètes face aux autres livres ; ils peuvent écrire sans faute quand c’est nécessaire mais usent ailleurs d’une orthographe épouvantable ; ils saisissent une règle en mathématique, mais accumulent les erreurs de calcul quand il faut l’appliquer dans les exercices : ils ont compris de quoi il s’agissait, cela leur suffit, point n’est besoin alors de s’éterniser sur un sujet qui devient ennuyeux à force d’être rabâché.

Cette approche trop superficielle ne tarde pas à révéler ses dangereuses failles : l’EIP ne s’est pas constitué une « banque de données mentales » : son seul projet était de comprendre et non de répondre aux exigences dans un protocole qui lui paraît extrêmement contraignant et qu’il refuse comme s’il lui était impossible de s’y soumettre. (Cette description est inspirée par les méthodes de Gestion Mentale mises au point par Antoine de la GARANDERIE, appliquées par Hélène CATROUX[5])

 

 

Ainsi, plusieurs auteurs ont traduit dans des tableaux les caractéristiques et les problèmes ou conséquences possibles pour l’enfant précoce. Line MASSE[6] a souhaité regrouper, dans une analyse quasi exhaustive et bien conçue, certains traits caractéristiques des EIP selon leur domaine d’habiletés :

-          habiletés intellectuelles

-          habiletés créatrices

-          habiletés socio affectives

-          habiletés sensori-motrices

Elle précise à juste titre qu’un même enfant ne présentera pas toutes les mêmes caractéristiques à la fois mais que toutefois une certaine concertation se retrouve dans chaque élève à l’intérieur d’un seul ou plusieurs des domaines d’habiletés cités.

Le lecteur trouvera également en ANNEXE N°4 un tableau adapté des travaux de WEBB (1993) et repris par F. J. MONKS (JC GRUBARD, M. DUYME, S. COTE, 1997, p 124, 5).

 

Du reste et dans les « grandeurs et vicissitudes[7] » quotidiennes qui nous entourent, voici ce que selon J. SIAUD-FACCHIN (2002, p 134/135, 7), il ne faudrait pas oublier des spécificités plus générales de l’enfant surdoué :

¾ Sa pensée sans limites, toujours en marche, l’entraîne dans des associations d’idées incessantes : il passe d’une idée à une autre, a du mal à aller au bout d’un développement, en change rapidement, se perd dans sa pensée car se mêlent plusieurs choses en même temps.

Conséquence : sa pensée peut être confuse, il peut s’embrouiller, avoir des difficultés à sélectionner l’information pertinente.

¾ La prédominance du traitement global par rapport au traitement séquentiel : l’enfant surdoué perçoit les éléments essentiels d’un problème mais en discerne mal les détails, il comprend facilement un problème mais ne sait pas développer un raisonnement structuré.

Conséquence : il ne raisonne que sur une partie des données, il ne prend pas en compte tous les détails de l’énoncé et n’arrive pas à faire les choses les unes après les autres.

¾ La complexité est nécessaire à l’enfant surdoué pour mobiliser son attention et son sens de l’effort : une tâche simple le démobilise, il se désintéresse de l’activité proposée et met en place des stratégies d’évitement.

Conséquence : il bâcle son travail, répond n’importe quoi, commet des erreurs « d’inattention » et des fautes incompréhensibles.

¾ L’enfant surdoué a un besoin constant de stimulation pour réguler son activité : il ne trouve pas dans les stricts apprentissages scolaires une stimulation et un intérêt suffisants.

Conséquence : il rêvasse, ne s’intéresse pas à ce qu’on lui propose ou bien de façon très superficielle ou bien encore manifeste des troubles hyperactifs.

¾ L’enfant surdoué parvient difficilement à investir les processus d’apprentissage scolaire : il s’ennuie.

Conséquence : agitation en classe et hyperactivité

 

A cet égard, il est intéressant de noter que ce problème de l’ennui, en ce que, en particulier, il peut être facteur de décrochage puis d’incivilité voire de violence a entraîné l’organisation d’un colloque « La culture scolaire et l’ennui » le 14 janvier 2003 par le Conseil National des Programmes ; une des conclusions retenue, bien connue toutefois des pédagogues, a été la suivante : l’élève s’ennuie surtout parce qu’il ne comprend pas pourquoi il lui est enseigné telle ou telle discipline dont il n’a pas compris le sens – et ce dans tous les cas, du trop ou pas assez – ; dès lors il devient excitable.

 

4) Enfin, ces caractéristiques ont un effet quelquefois complexe à cerner :

 

-d’une part, l’image que la société se forme de l’enfant doué est essentiellement instable : avec le goût du merveilleux que tout adulte conserve enfoui au plus profond de son âme d’enfant, elle se plaît à évoquer des enfants dotés de dons extravagants, dont le meilleur exemple est bien celui des calculateurs prodiges. D’ailleurs, des journalistes prennent contact parfois auprès de spécialistes reconnus ou d’associations pour demander, assez naïvement, s’il est possible de leur fournir un « spécimen » pour une émission de TV. Déçus, ils se rabattent sur les sportifs, les artistes, musiciens, peintres ou comédiens, qui ne rendent pas du tout compte de la réalité de l’enfant doué, si discret au quotidien, confondant la problématique du don voire du talent et celle de la précocité.

L’enfant doué est difficile à cerner : « il n’est pas spectaculaire de nature, ses réponses sont décevantes, ou bien elles sont mal comprises et il se fait attaquer par des scientifiques rancis que sa fraîcheur spontanée a rendu furieux ».(ADDA, 2003, p 76, 24)

 

-d’autre part l’entreprise reste rude car « l’enfant ne sait pas qu’il est intelligent » ; « les preuves les plus éclatantes ne calment l’inquiétude qu’un trop court moment a révélé : il y a toujours une faille, un défaut, une erreur insupportables aux yeux du perfectionniste lucide et exigeant qui sait que la perfection est impossible, mais qui veut tenter l’essai malgré tout et s’afflige ensuite de sa lourdeur, de sa lenteur et de sa maladresse. Ceux qui ignorent ces tourments, qui se contentent volontiers d’un résultat approximatif, peuvent à loisir rire de ces éternels insatisfaits, attaquer sans risque leur image et savourer leur détresse quand ils les voient se désoler pour un infime défaut. Plus on est doué et plus l’image de la perfection apparaît avec netteté : le bonheur de contempler la beauté est plus intense, la déception de ne pouvoir l’atteindre plus cruelle. L’enfant doué est excessif, c’est une caractéristique exigeante qui ne laisse personne en repos, mais quand elle aboutit, elle donne un chef d’œuvre sans prix ». (ADDA A., 2003, p77, 24)

 

Dès lors et à titre de conclusion provisoire, (Rapport DELAUBIER JP, 2001, p 15, 28) de toutes ces caractéristiques qui déterminent la situation de ces élèves émergent alors 4 besoins :

-          un besoin de reconnaissance, c’est-à-dire savoir porter sur eux, comme sur tous les élèves « un peu plus différents des autres », un regard bienveillant et compréhensif

-          un besoin de prévention, de remédiation et parfois de soin, c’est-à-dire trouver, autant, les interventions spécialisées nécessaires dans ou hors de l’école

-          un besoin de motivation, c’est-à-dire répondre le plus possible à toutes leurs sollicitations de connaissances, de stimulations et d’encouragements pour qu’ils puissent aussi « s’engager sur des itinéraires qu’ils ne devinent pas »

-          un besoin d’équilibre, c’est-à-dire compenser leur tendance à surinvestir les domaines intellectuels pour davantage entreprendre, si besoin, les contraintes de la vie quotidienne et celles de leur éducation sociale, physique, affective et morale.

 

 

2.2.3. Dans les incidences médicales

 

Aborder aussi la question des EIP sur le plan médical possède de véritables intérêts : d’abord pour mentionner certaines croyances ou stéréotypes qui furent d’ailleurs soutenus par des spécialistes de ces enfants : (cité dans la recherche universitaire pour la communauté française de Belgique,2001, p21, 20) : TERMAN n’affirmait-il pas que leur santé et développement physique étaient supérieurs depuis la naissance ; HOLLINNORTH (1935) a commis, pour sa part, une « étude comparative de la beauté du visage des surdoués adolescents et des adolescents normaux » : il reste, pour le moins, très difficile ( !) de saisir ce qui a pu constituer l’intérêt scientifique d’une telle recherche…

 

Ensuite pour également prendre conscience de difficultés voire dysfonctionnements graves relevés par certaines études médicales[8] .

 

Aussi bien le syndrome d’ASPERGER est quelquefois cité dans les maladies qui pourraient créer confusion avec la précocité intellectuelle : trouble du développement, c’est essentiellement dans les difficultés de réception et traitement de l’information qu’il intervient d’où des appréciations « confuses » de l’environnement, un détachement de la réalité, une absence de communication[9].

 

MILLER Alice, à l’instar de J. Ch. TERRASSIER, pourrait nous parler, elle aussi, du caractère du « Pygmalion négatif », même si elle ne le nomme pas explicitement. Cette auteure en effet, nous explique que l’enfant essaie perpétuellement de satisfaire les désirs conscients ou inconscients de ses parents. Si l’enfant se préoccupe de la satisfaction parentale, et surtout maternelle, il est un « bon enfant ». Dans le cas inverse, il est considéré comme « égoïste ». Dans ce contexte, l’enfant s’aperçoit que l’amour dont il est l’objet, est seulement destiné à ses prouesses intellectuelles ou créatives ; il réalise à travers un « travail de deuil », qu’il a toujours agi comme un « petit adulte ». L’amour maternel est destiné à un autre, qui n’est pas vraiment lui, à une personnalité fictive, à un « faux soi ».

L’enfant se réfugie dans une attitude de défense, assurée par son intellect. Mais derrière le conscient, des troubles narcissiques peuvent apparaître.

 

Dès lors, l’enfant doué peut souffrir de deux formes de troubles :

-          la grandiosité, lorsque le sujet s’admire pour ses propres qualités ; il n’entreprend jamais rien d’autre que ce qu’il est sûr de réussir.

«L’être grandiose » est toujours à la recherche du sentiment admiratif, qui représente une satisfaction de rechange à l’amour. Il éprouve alors de la jalousie envers l’être « sain », c’est-à-dire l’être « moyen », qui n’a besoin d’aucun artifice pour être aimé.

L’être grandiose semble ne jamais être vraiment libre de ses actes :

1)       parce qu’il est terriblement dépendant de l’admiration des objets ;

2)       parce que son respect de soi dépend de certaines qualités, fonctions performances, qui peuvent s’effondrer soudainement.

-          la dépression : lorsque la grandiosité disparaît, le phénomène de dépression est son revers. A. MILLER la définit comme une mauvaise humeur manifeste et continue. Elle implique des peurs d’abandon, des pertes de confiance en soi et des désespoirs soudains.

 

La dépression semble être combinée avec la grandiosité. Ces deux formes de troubles narcissiques reflètent l’expression d’une prison intérieure ; mais l’enfant réussi de la mère est plutôt représenté par l’être grandiose, alors que le dépressif se verrait comme celui qui a échoué.

 

O. REVOL, neuropsychiatre à Lyon parle lui d’humeur dépressive : constatant les raisons de sa méconnaissance[10], il indique sa survenue selon trois causes :

-une fragilité neurobiologique, innée (dépression familiale) ou acquise (souffrance prénatale),

-un environnement familial défavorable

-et, surtout, l’existence d’une perte.

Or, au regard de sa marginalisation familiale ou scolaire, de ses inquiétudes existentielles, de ses environnements quelquefois peu stables, de ses propres interrogations, l’EIP peut souffrir de dépression,… le renoncement à ses compétences pouvant prendre l’allure d’un deuil insupportable.

 

 

O. REVOL, avec H. DESOMBRE et R. de VILLARD, thérapeutes à l’hôpital Neurologique P. WERTHEIMER de LYON, a complété, lors du congrès AFEP « le paradoxe de l’enfant précoce » sa réflexion par deux troubles du comportement complémentaires.

 

Ainsi, le premier, l’instabilité psychomotrice est un comportement fréquemment évoqué et mal supporté par les enseignants, en CP particulièrement ; elle pose un problème diagnostique et thérapeutique.

L’enfant instable présente trois types de comportement qui vont considérablement gêner son fonctionnement quotidien : l’hyperactivité motrice, le déficit attentionnel et l’impulsivité ; un certain nombre de critères sera nécessaire pour poser le diagnostic.

Le déficit d’attention est rapidement péjoratif pour les résultats scolaires, tandis que l’hyperactivité et l’impulsivité sont souvent responsables du rejet de l’enfant par les enseignants mais aussi par ses pairs.

Tous les enfants instables ne sont pas des enfants précoces ; les causes de l’instabilité peuvent être également constitutionnelles (Troubles Hyperkinétique Avec Déficit d’Attention ou THADA), ou secondaires à des troubles psychologiques (anxiété ou dépression). Le médecin devra déterminer l’origine de tels comportements ; on dispose actuellement d’outils très performants qui permettent d’objectiver la présence de déficit d’attention et les attribuer à un dysfonctionnement neurobiologique.

On utilise des échelles de dépression (Child Dépression Rating Scale, Hospitalized Aniety Depression…) et des échelles de comportement (CONNERS, ACHENBACH…), remplies par le père, la mère et l’enseignant de l’enfant, offrant ainsi un profil objectif de l’enfant.

Schématiquement, on retiendra qu’une instabilité d’origine constitutionnelle sera objectivée dans toutes les situations (maison, école, loisirs…) alors qu’une instabilité secondaire liée à des difficultés familiales n’apparaîtra qu’à la maison, et souvent uniquement avec la mère ; l’enfant précoce sera, quant à lui, essentiellement instable et impulsif à l’école.

Il convient néanmoins d’être nuancé car l’expérience montre que THADA et précocité coexistent souvent, et qu’ils peuvent entraîner, à moyen terme, des sentiments dépressifs : cette intrication entre différents syndromes oblige à être vigilant dans la démarche diagnostique.

 

Pour le second trouble, il s’agit de l’échec scolaire qui est une préoccupation majeure de tous ceux qui s’occupent d’enfants précoces. Les raisons de l’échec sont multiples et certainement intriqués ; on retiendra bien sûr l’ennui, la contre attitude des enseignants, l’effet « Pygmalion négatif » « mais aussi la survenue d’une véritable inhibition intellectuelle, dont les mécanismes ont été bien décrits par les psychanalystes ; l’inhibition de ses compétences permettrait ainsi à l’enfant d’éviter de sombrer dans l’angoisse incontrôlée…  (CORIAT), voire de « s’auto limiter face à la pression normalisatrice » (ADDA) ; l’enfant va alors renoncer à ses aptitudes dans une tentative de normalisation, voire un effort inconscient de resynchronisation (GAMON). La compréhension de ces mécanismes, leur identification précoce par les adultes, puis par l’enfant permettra souvent d’en éviter les effets néfastes sur l’apprentissage » (O. REVOL, 1998, p26-27, 23).

 

Il est aussi un problème souvent noté, celui de la difficulté à écrire voire la dysgraphie ainsi définie : lorsque «  la qualité de l’écriture est déficiente alors qu’aucun déficit neurologique important ou intellectuel n’explique cette déficience » (J. DE AJURIAGUERRA) : il s’agit donc d’un désordre qui a atteint l’écriture dans son aisance, sa rapidité, sa lisibilité… toute chose, il faut en convenir, indispensable à l’école. Là encore, des solutions restent largement possibles : certains graphothérapeutes se sont largement intéressés à ces difficultés qui, rappelons-le une fois encore, peut atteindre tous types d’enfants (BAGUENAULT de PUCHESSE Caroline, 2002, p 28 à 32, 24).

 

Avant de clore ce chapitre, il convient de citer les travaux de J. Ch. TERRASSIER sur le syndrome de dyssynchronie, travaux qui, sans être strictement médicaux sont souvent cités en référence. Il s’agit, d’une part, du décalage entre le développement intellectuel et le développement psychomoteur d’où un développement hétérogène des EIP (TERRASSIER J.Ch., 1995, p 29 à 40, 8) que l’auteur désigne comme dyssynchronie interne et, d’autre part, des difficultés spécifiques au plan de la relation avec l’environnement appelées dyssynchronie sociale.

Cet auteur distingue dans la dyssynchronie interne, trois dyssynchronies

-          Intelligence – Psychomotricité : essentiellement autour de l’écriture

-          entre différents secteurs du développement intellectuel : acquisitions verbales toujours en deçà de l’âge mental de raisonnement verbal et non verbal (confer certains subtests)

-          Intelligence – Affectivité : immaturité affective ; rôle de l’intellectualisation

 

Concernant la dyssynchronie sociale, il fait part des décalages existants :

-          à l’école, décalages entre la rapidité du développement mental de l’EIP et la vitesse moyenne des autres élèves

-          dans la famille et avec les autres enfants, décalages entre le comportement général attendu par rapport à son âge réel et mental.

 

 Enfin, pour conférer une touche peut-être plus rassurante à ce paragraphe, citons ce même auteur « Tels sont, brièvement, les éléments principaux du syndrome de dyssynchronie. En réalité, la dyssynchronie que nous avons décrite ne nous semble pas faire partie de la psychopathologie… La plupart des problèmes que les EIP doivent assumer dépendent [aussi] d’un contexte socio pédagogique inadapté » (p40).

 

En guise de conclusion pour cette partie

 

Pour ces EIP, ceux qui sont plein de trop ou un trop plein de tout, trop sensibles, trop intenses, trop engagés, trop honnêtes, trop idéalistes, trop moraux ou trop perfectionnistes (Travaux de PIIRTO (1992), de SILVERMANN (1997), de TOLAN (1985), de PEICHOWSKY (1997) cités par l’équipe universitaire belge – Rapport du 28/02/01), cette « indéfinissable sophistication » peut se manifester dans toutes les réalités de la vie d’un adolescent : dimensions intellectuelle, corporelle, émotionnelle, sensuelle et imaginative. De là à déboucher sur la dépression, voire le suicide (WEBB et al. 1994)…

 

L’ANNEXE N° 10 (tableau des troubles du comportement) reprend en grande partie les divers paragraphes ci avant écrits

2.3. Les identifier

 

2.3.1. Rôle du quotient intellectuel (Q.I.)

 

Il ne rentrera pas dans nos propos ni de définir ce que nous pourrions considérer comme « intelligence », ni de conduire une étude sur les rôles, fonctions donc enjeux de la mesure du quotient intellectuel (Q.I.), procédé psychométrique, qui rappelons-le, reste dépendant de la culture du lieu et de l’époque où il est pratiqué: en effet nous nous contenterons de préciser les intérêts et limites de la détermination du Q.I. dans la logique de la question de la difficulté scolaire, quelle qu’elle soit.

Autrement dit, l’institution scolaire use, en particulier dans les RASED ou auprès des C.O.P. (Conseillers d’Orientation Psychologues) de cette pratique avec, en particulier, le W.I.S.C. III (WESCLER Intelligence Scale for Children)[11] : cette échelle adaptée aux élèves de 6 à 16 ans tente d’évaluer le potentiel intellectuel plutôt que des acquisitions, en le rendant moins dépendant des facteurs intellectuels et culturels ; le Q.I. mesure un niveau de développement intellectuel par rapport à la « normale » de l’âge concerné ; il permet, dès lors, de diagnostiquer les différences de rythme de développement chez les enfants. Les épreuves se scindent en deux groupes : échelle verbale et non verbale (ou de performance) – Le schéma en ANNEXE N° 6 (courbe de GAUSS[12]) reprend la répartition moyenne des Q.I. et la référence pratique qui situe la précocité[13].

 

Pour les élèves d’âge maternel (jusqu’à 6 ans) sera utilisé le WPPSI-R et pour ceux de plus de 16 ans le WAIS-R : ces épreuves sont toutes fondées sur les mêmes principes.

 

Depuis quelques années, les Anglo-Saxons s’intéressent particulièrement au quotient émotionnel (Q. E.) : ce concept a été défini par Howard GARDNER (1983) (H. GARDNER, 1996, 12). Celui-ci a publié sa théorie des intelligences multiples : à travers 8 critères, 7 types d’intelligence, seraient identifiables : 1) linguistique 2) logicomathématiques 3) spatiale 4) musicale 5) somato-kinesthésique 6) interindividuelle 7) introspective.

 

Dans son ouvrage, véritable « manifeste contre la tyrannie du Q. I. », il étudie la corrélation entre les résultats au Q. I. et ceux aux tests d’émotion ; de là par une batterie de tests qu’il a développée (tests projectifs, mise en situations…), le Q. E. « mesure » cette gestion de l’émotivité (intelligence interpersonnelle).

 

Ce Q. E. ne peut toutefois être quantifié ; mais pensé comme un concept de description (et non d’explication), il permet de mettre le doigt sur les forces et faiblesses principales de l’individu avec une bonne prédictibilité de ses comportements futurs.

 

Il reste que la référence au quotient intellectuel appelle un certain nombre de réserves ; nous reprendrons ici l’argumentaire développé dans le rapport DELAUBIER.

-Ainsi l’identification d’une catégorie à partir d’un indicateur quantitatif unique ne peut qu’être réductrice. Derrière, une même valeur de quotient intellectuel existent d’importantes différences de profil. Le WISC, par exemple, comprend douze séries d’épreuves (subtests) répartis en deux échelles (« verbal » et « performance ») : il est évident que les enfants se voient attribuer un « QI » moyen de 130 et peuvent présenter un profil très hétérogène (par exemple 120 en « verbal » et 140 en « performance ». De même des élèves, qui, en raison d’un quotient moyen de 118, ne seraient pas classés « surdoués », peuvent accéder dans l’une ou l’autre des échelles à un niveau de l’ordre de 130, voire 135… En outre plusieurs travaux, nous l’avons vu, font actuellement avancer l’idée d’une conception multidimensionnelle de l’intelligence.

-Le caractère relatif et arbitraire du quotient intellectuel doit également être rappelé : le QI n’est pas une mesure indépendante de l’instrument. Le recouvrement n’est pas total entre les résultats obtenus aux épreuves mesurant la même variable dans les différentes échelles (WISC, K-ABC, …). On peut penser que la valeur du quotient intellectuel peut varier en fonction du test choisi.

-L’augmentation des performances aux tests au cours des générations est constatée : ce phénomène désigné sous le nom d’effet Flynn (du nom du psychologue britannique qui l’a mis en évidence) montre que les scores à des tests d’intelligence augmentent d’environ un écart-type par génération.

-Plus globalement, la mesure du quotient intellectuel n’est pas indépendante du contexte socioculturel : Michel DUYME, directeur de recherches au CNRS, par exemple, a mis en évidence des accroissements significatifs de ce quotient chez des enfants issus de milieux défavorisés, puis élevés dans un autre milieu, nettement plus favorisé (entretien du 11 octobre 2001)[14]. Un quotient de 120 évalué à partir d’une même batterie de tests ne doit pas être apprécié de la même manière s’il concerne un enfant vivant dans un milieu d’immigration récente ou dans un environnement particulièrement favorable. En fait, le QI rend compte de la position d’un individu à l’intérieur d’une population de référence définie dans le temps et dans l’espace. Il n’a donc de sens que si le sujet n’est pas en décalage trop sensible avec les caractéristiques socioculturelles de l’échantillon utilisé pour étalonner les tests.

 

Albert JACQUART[15], à son tour, fait montre un regard caustique et non dénué d’humour sur le Q.I. « Ce Q.I., d’où vient-il ? Il vient du manque d’imagination de certains sous-officiers américains en 1916. Quand ils ont eu à envoyer dans l’armée un certain nombre de conscrits. ils ont pensé à utiliser une mesure appelée Q.I. On mettra ceux qui ont un QI supérieur dans l’artillerie et les autres dans l’infanterie. C’était un moyen pratique mais on se demande ce qu’évoque ce nombre.

On me dit souvent pour justifier le Q.I. : si on prend une population quelconque et qu’on en fait la répartition, les QI obtenus s’inscrivent sur une courbe en cloche

 

Or, justement, le fait que les QI, partout où on les mesure, sont conformes à une courbe en cloche, est une forte indication en faveur de l’hypothèse qu’il ne mesure rien. Le théorème de LIAPOUNOF dit que, quand on additionne des mesures indépendantes, qu’on en fait la moyenne, on tombe à tous les coups sur une courbe en cloche ».

 

A son tour, ZIV AVNER, professeur de psychologie à l’université de TEL AVIV, émet le doute suivant : lorsque l’on fait des tests d’intelligence, on obtient des résultats différents selon que l’on tient, ou non, compte du temps. Prenez deux enfants ayant les mêmes résultats finaux aux mêmes tests : « par exemple, il y avait 50 questions. Un enfant a eu la note moyenne de 10 et il a répondu à toutes les 50 questions dans le temps donné. Il fait 40 fautes, mais il a eu 10 de moyenne. L’autre enfant n’a résolu, lui, que 10 problèmes dans le même temps, il a aussi une note de 10. Le premier est un extraverti qui travaille rapidement, le second est un introverti. Vous reprenez ces deux mêmes enfants. Vous leur redonnez un autre test mais cette fois sans limite de temps. Le premier va faire 50 problèmes et 40 fautes, mais il termine en 10 minutes. L’autre travaillera pendant une heure, terminera le test, presque sans faute. L’un des critères des examens de l’intelligence est qu’ils sont basés sur le temps. De vrais tests d’intelligence, avec des enfants intellectuellement doués devraient tenir compte du fait qu’il y a des enfants qui travaillent rapidement, d’autres plus lentement, mais ceux-là vont peut-être plus loin ».

 

Dès lors, la proposition finale resterait de reconsidérer dans toute la mesure des moyens impartis d’abord au sein de l’Education Nationale, puis éventuellement auprès d’autres organismes publics (éventuellement privés) (ZIV AVNER, 1996, p 94 puis 100, 21) les instruments utilisés pour évaluer les aptitudes intellectuelles. La neuropsychologie cognitive a apporté quelques éléments récents : le K-ABC (KAUFFMAN Assessment Battery for Children) publié en 1983 par A. et N. KAUFFMAN est une batterie composite particulièrement utilisée (en particulier dans l’Education Nationale) : elle aussi s’appuie sur des méthodes statistiques récentes. D’autres tests sont décrits par J. BERT dans son ouvrage (2002, 2, pages 29 à 37) : le caractère réducteur du Q.I., nous l’avons vu, a souvent été mis en évidence. Même si les psychologues scolaires ont grande habitude d’une lecture détaillée et nuancée des informations données par un WISCIII, il paraîtrait plus souhaitable d’aller vers une approche multidimensionnelle de l’intelligence ; les facteurs créativité, motivation, intelligence sociale permettraient de mieux comprendre l’EIP et faciliteraient les contacts et actions école/famille.

 

 

Pour résumer les conseils qu’il serait possible de prodiguer à des parents soucieux de comprendre le pourquoi des difficultés de leur enfant au regard, en particulier de leur scolarisation, nous reprendrons ces propos bien conçus, même si (forcément) réducteurs, qui résument simplement les caractéristiques du Q. I. et les intérêts d’un bilan psychologique plus complet chaque fois que nécessaire. (J. SIAUD-FACCHIN, 2002, p 187 et 189, 7)

 

Le Q. I., ce n’est pas :

-          une mesure de l’intelligence

-          un chiffre qui explique tout de l’intelligence et du fonctionnement cognitif

-          un score qui donne un diagnostic

-          un chiffre mythique et mystérieux

-          une évaluation qui peut s’obtenir avec n’importe quel test

 

Le Q. I., c’est :

-          un score relatif qui indique une position dans un groupe d’âge identique

-          l’expression de l’intelligence, le « produit » de l’intelligence

-          un indice sur le fonctionnement intellectuel de l’enfant qui doit être complété par d’autres éléments

-          une évaluation standardisée qui doit être calculée avec des tests psychométriques validés

 

Pour un bilan psychologique complet :

-          un bilan psychologique complet doit être pratiqué le plus systématiquement possible et dans tous les cas lorsque les tests de QI ne sont pas homogènes

-          seule la pratique d’un bilan complet donne un éclairage pertinent et fiable sur le fonctionnement global d’un enfant, sur les plans intellectuel et affectif

-          la pratique d’un bilan psychologique complet est le gage d’un accompagnement et d’une aide adaptée au mode de fonctionnement de son enfant

-          seul le psychologue peut déterminer le type de test qui sera utilisé. Le psychologue décidera en fonction de l’enfant, des singularités de son fonctionnement, des troubles présentés et de la nature de la demande

-          le psychologue se doit de transmettre à la famille un compte-rendu clair et détaillé du bilan pratiqué avec l’enfant.

 

2.3.2. Remarques générales

 

Malgré les apparences, il n’est pas toujours facile d’évaluer par la simple observation le niveau des possibilités intellectuelles d’un élève. Certains jeunes enfants, actifs, attrayants, ayant une bonne fluidité verbale commençant, par exemple, à lire, écrire facilement vers 6 ans sont parfois définis comme « surdoués », alors qu’il s’agit en réalité de bons élèves appliqués et sociables. D’autres, au contraire, plus discrets, peuvent se révéler être des EIP par la suite…

 

En 1971, le Ministère de l’éducation américaine a demandé à 239 experts quelles méthodes utiliser pour identifier ces élèves « surdoués » [16]: ceux-ci ont désigné, dans l’ordre :

1 –Test individuel du QI (90%)

2 – Résultats scolaires (78 %)

3 – Nominations par le maître et avis du psychologue (75 %)

4 – Test de créativité et de niveau scolaire (74 %)

5 – Test collectif de QI (65 %)

Le constat est une fois de plus ici à faire que toute identification doit se baser sur des critères multiples même si les anglo-saxons notamment ne considèrent pas nécessaire la convergence des indices.

 

Dans le même esprit, Arielle ADDA[17] met en garde contre l’usage du test de RORSCHACH dans ses interprétations toujours complexes au regard d’une pathologie supposée.

De même ne retenir qu’un seul symptôme aisément repérable (par exemple la difficulté graphique) ne risque que de conforter un malentendu ou d’enkyster un problème qui ne le mérite point.

 

Concernant les résultats scolaires, selon PEGNATO et BIRCH[18], les erreurs de jugement des professeurs seraient dues au fait que la réussite scolaire est confondue avec l’aptitude intellectuelle.

De la même façon, de nombreuses méthodologies d’identification des EIP sont relatées, en particulier dans les résultats de la recherche belge déjà évoquée. Au-delà des mixité ou diversité des méthodes, la dissipation des doutes à propos de la cause des difficultés pour un élève, et ce quelles qu’elles soient, fait véritablement « sens » et produit souvent à elle seule un effet bénéfique et redynamisant pour tous.

 

J. Ch. TERRASSIER propose un inventaire d’identification (ANNEXE N° 8) qui peut aider enseignants et parents à poser l’hypothèse de la précocité chez les enfants de 6 à 12 ans. Conçu selon 21 items à valeur différente, un score de 14 points conforterait l’hypothèse de précocité à plus d’une chance sur deux ; les astérisques servent à mentionner les items utilisables pour identifier les EIP en difficulté scolaire.

 

L. MASSE[19], professeur de psychoéducation à l’université du Québec, propose, quant à elle, un inventaire critique des catégories d’instruments d’identification des EIP (ANNEXE N° 7) : dans un classement entre instruments objectifs et subjectifs, elle analyse les avantages et limites de chacun, les commentant de considérations ouvertes et efficaces.

 

La logique retenue ici doit être « de reconnaître chacun comme une personne à la fois unique et différente des autres, possédant des ressources à exploiter et en proie à certaines difficultés, »[20], s’inscrivant dans la logique de la réponse spécifique aux besoins éducatifs particuliers (confer chapitre 1.2).

Les EIP n’ont pas toujours la possibilité de développer leurs atouts, faute de stimulation et champs ouverts pour se réaliser d’où des risques encourus de renfermement sur soi, de sentiments d’inadaptation scolaire et sociale, de rejet des institutions, de négation de leurs propres compétences pour se conformer aux normes en vigueur à l’école, de décrochage scolaire… « en un mot, une souffrance identitaire entraînée par une non reconnaissance de soi au sein d’une société [21]».

 

Même si ce mal-être est commun à de nombreux élèves, il trouve aussi pour certains sa source dans un trop plein de compétences non reconnus et/ou identifiés.

Dans tous les cas et indépendamment des souffrances et autres difficultés, le but de toute identification est aussi le développement des qualités latentes ou manifestes de tous les enfants (GARDNER, 1996, 12).

 

Car il est un vrai risque dans la non reconnaissance des EIP. Marie-Claude VICHOT-CHALON, psychologue clinicienne, a recueilli les réactions de l’entourage d’enfants (révélés EIP par la suite) qui n’ont pas été reconnus alors ; elle a constaté et conçu trois types de problèmes dominants :

 

-Problèmes relationnels : souffrance – manque de persévérance – abandon – dépression – agressivité

Etant dans la logique du discours, l’enfant précoce non reconnu recherche l’aîné, l’adulte ; il lui pose de nombreuses questions et le monopolise ; il joue peu avec les enfants de son âge, n’ayant pas les mêmes centres d’intérêt : il est hors norme.

Du fait de sa grande sensibilité, il ne se sent pas compris par les autres. Il peut être rejeté, persécuté et devenir le souffre douleur ; souvent, il finit par s’exclure lui-même et s’isoler dans une activité solitaire mais en gardant son identité qui le fait sortir du rang et le démarque des autres ; quelquefois il agresse à son tour car il se sent agressé ; d’autres fois il capitule et abandonne : il adopte un profil bas pour se faire accepter.

 

-Manque de confiance : non connaissance de soi – sous estimation de soi – angoisse

L’enfant précoce non reconnu n’a pas toujours pris conscience qu’il pense vite et bien. Il doute de lui et cherche une difficulté qui n’existe pas ; il ne s’attribue pas la compétence de contrôle de la situation, traduisant ainsi une représentation négative de soi.

 

-Pourrait mieux faire : rêveur – inattentif – passif – non concerné – inorganisé

L’enfant précoce non reconnu travaille en dessous de ses capacités. Démotivé, il s’évade ailleurs ; puisqu’on ne prend en considération qu’une partie de sa personne, il ne prend en compte qu’une partie du cours et ne pourra apprendre qu’une partie. Les manques s’accumulent, ceux d’organisation, de méthode, d’approfondissement, de motivation (1996, p 44 et 45, 21).

 

Ces propos, certes alarmistes, sont toutefois le reflet de comportements remarqués d’élèves qui trouvent alors et bien souvent dans leur (re)connaissance une explication de telles difficultés

 

Et puis, pour aller plus loin, il ne faut cesser d’affirmer qu’il y a des enfants précoces qui se développent doucement, sans aucun problème.

 

Mais il arrive aussi que la combinaison spécifique d’intensités émotionnelles combinées à des attitudes idéalistes suscitent des problèmes et ce d’autant plus que le milieu social (tout particulièrement les parents et les enseignants) est incapable de répondre de façon appropriée à l’attente des enfants précoces.

En général, les enfants dont la précocité intellectuelle a été décelée et qui suivent des programmes scolaires adaptés courent moins le risque de rencontrer certains problèmes émotionnels et sociaux que les élèves dont la précocité intellectuelle n’a pas été décelée. Toutefois il reste possible que des enfants non décelés et non pris en charge d’une façon appropriée, fonctionnent très bien.

 

Ce qui revient à dire que déceler la précocité intellectuelle et utiliser des programmes adaptés ne garantit pas toujours qu’il n’y aura pas de problèmes. « Il est même possible que des élèves dont la précocité intellectuelle a été détectée courent plus de risques que ceux chez lesquels elle ne l’a pas été parce que presque toutes les cultures ont une attitude ambivalente vis-à-vis des individus dotés de capacités cognitives anormalement élevées. On regarde de tels individus avec suspicion ». (ADDA  A, 2003, p75, 24)

Et, pour aller encore un peu plus loin, un autre aspect doit être abordé ici [22] : celui de l’identification d’EIP répondant à des seuls projets strictement élitistes peu conformes au caractère démocratique qu’est celui de notre Ecole d’une part, de notre société d’autre part. Alors ces enfants ne seraient-ils pas suffisamment avantagés si déjà issus de milieux favorisés pour que l’on réfléchisse pour eux à un soutien complémentaire alors que les ressources éducatives ne permettent pas de combler les besoins des plus démunis ? …

 

A l’évidence, le dépistage des EIP est également dépendant du cadre culturel dans lequel ils vivent : l’histoire familiale et ses liens avec l’école en général, le savoir en particulier déterminent aussi les questions et attitudes. Des expériences conduites dans plusieurs régions grâce à des impulsions institutionnelles ou associatives contribuent à relayer ce délicat problème.

 

Il reste que l’identification des enfants à haut potentiel demeure une démarche délicate non seulement dans ses objectifs, mais aussi dans ses conséquences. En effet, étiqueter un enfant de quelque manière que ce soit est une arme à double tranchant. Si elle permet une reconnaissance de la personne dans sa singularité, les attentes qui s’en suivent et le regard des autres, adultes et pairs, peuvent être très lourds à porter. Les expériences menées à l’étranger en matière d’identification[23] ainsi que l’examen psychologique semblent indiquer que des approches ouvertes et variées, permettant de rencontrer la personne dans sa globalité, de comprendre plutôt que de sélectionner, de développer un sentiment d’appartenance plutôt que de marginalité semblent porteuses.

 

En effet, ces grilles en général ne visent pas seulement à identifier les besoins des enfants, mais à les comparer entre eux. Elles font référence à des valeurs, à des conceptions, à des acquis profondément marqués par des facteurs sociaux. Il convient de considérer que des critères tels un vocabulaire élaboré, la lecture précoce, la possession d’un bagage important de connaissances sur des sujets variés et bien d’autres éléments de ces questionnaires restent fortement dépendants du milieu d’origine de l’élève. Souvent, les tests mesurent ce que les enfants savent déjà, plutôt que ce qu’ils sont capables d’apprendre, ce qui est généralement discriminatoire pour les enfants provenant de milieux moins « favorisés ».

 

S’il peut être utile de disposer d’outils adéquats pour identifier les difficultés et les problèmes que rencontre un élève, on ne peut en dire autant d’outils appliqués à l’ensemble des enfants dans le but de les comparer les uns aux autres sur la base de critères subjectifs d’où une véritable vigilance…

 

Selon le rapport DELAUBIER, trois propositions dans l’esprit non pas de sélectionner les hauts potentiels mais de prévenir des situations d’insatisfaction ou d’échec pourraient être énoncées :

 

-          sensibiliser l’ensemble des acteurs engagés dans l’éducation des jeunes enfants : enseignants, membres des réseaux d’aide (RASED), médecins scolaires, parents…

-          tirer profit des évaluations conduites dans le premier degré pour identifier les situations où coexistent des difficultés et des compétences remarquables. Les nouveaux outils mis à la disposition des maîtres du cycle 2 ou encore les épreuves organisées en début de CE2 et éventuellement de 6ème doivent faciliter la mise en évidence de ces profils « dyssynchroniques »

-          mobiliser tout particulièrement les psychologues scolaires : les former à la problématique des enfants « intellectuellement précoces » et les charger de réaliser des bilans lorsque des signes de difficulté apparaissent. Il est évident aussi qu’une action analogue doit être conduite auprès des conseillers d’orientation psychologues : de nombreuses situations ne sont en effet révélées qu’au collège.

 

2.3.3. Inné ou identification ?

 

« Chacun a en soi une grande richesse, encore faut-il pouvoir l’insérer dans notre société ».

(A. JACQUART – Discours à la Sorbonne – 30/06/96. Congrès international sur la précocité intellectuelle).

« Nous sommes donc 100 % innés et 100 % acquis ».

(Axel KAHN – Congrès AFEP à Marseille 17/11/01).

 

Il semblerait qu’aujourd’hui si cette question reste d’importance, elle fait, à certains égards, consensus, du moins au regard de la précocité intellectuelle et dans l’exclusion de toute thèse idéologisée : à la fois d’origine génétique et d’origine environnementale, celle-ci n’a de sens et d’intérêt scientifique que dans la connaissance des gènes et des environnements qui favoriseraient l’apparition d’une caractéristique humaine (maladies ou comportements) : avec les mêmes gènes mais des environnements différents, cette caractéristique pourrait être différente ; « l’intérêt du chercheur est de connaître les effets des différentes configurations gènes-environnement ».(M. DUYME, 1998, p 44,23)

 

Selon A. KAHN, nous devons tout à notre « plasticité cérébrale », c’est-à-dire notre impressionnabilité de la multiplicité des stimulus intellectuels, conceptuels ou esthétiques qui reste le point fort de cette propension à notre évolution génétique, mais au sein de notre « civilisation humaine » : « il est clair qu’il y a une relation entre capacités cognitives et gènes : si nous n’avions pas les gènes humains, nous n’aurions pas pu évoluer de cette façon ; mais pour autant que nous sachions, la plupart de l’association des dons qui va correspondre à ce que l’on appelle quelqu’un de « brillant » n’obéit pas à un contrôle génétique direct » (KAHN A., Marseille, 2001, 25).

 

Stanislas DEHAENE, directeur de recherches à l’INSERM et au CEA, confirme lors de ce même congrès (25), les propos précédents : « l’effort, la passion et l’existence d’une plasticité cérébrale très importante, modifient les réseaux cérébraux qui ne doivent  pas être vus comme des réseaux statiques donnés à la naissance, mais comme des réseaux en permanente évolution à la fois chez l’enfant et chez l’adulte ».

 

Pour A. JACQUART (25), certains enfants ont reçu des dons négatifs de la nature. Des maladies, parfois génétiques, font que l’enfant qui les reçoit ne sera jamais capable d’avoir un certain niveau intellectuel, une certaine capacité d’imagination…. Mais, ce n’est pas parce qu’il y a « des gènes de la non intelligence », qu’il y a des « gènes de la super intelligence » : ce n’est pas symétrique. « La nature nous donne des gènes à partir desquels nous faisons des protéines avec lesquelles nous fabriquons un organisme qui fonctionne plus ou moins bien. Que ces gènes aient une influence sur tout ce qui va se passe en nous, bien évidemment. Mais pour autant il n’y a pas une causalité directe, en particulier, dans la construction du cerveau ».

 

De la même façon, on peut émettre de nombreuses hypothèses pour expliquer la supériorité intellectuelle d’un individu sur un autre : son milieu socioculturel, l’éducation, la transmission des valeurs, le désir, la volonté ou l’inconscient… « Mais on aboutit toujours à une aporie et on retrouve le mythe dès que l’on tente de démontrer le caractère innée de l’inégalité des esprits »[24] .

 

Ainsi le part importante et incontestable de l’environnement sur le développement des facultés cognitives de l’individu aveugle trop souvent les partisans de l’égalité biologique des cerveaux humains : l’individu naît d’abord dans un milieu donné qui le façonne et le structure et non l’inverse.

 

Certains vont même encore plus loin. Ainsi les parents d’Arthur RAMIANDRISOA[25] soutiennent, dans leur livre intitulé « la méthode Arthur »[26], que leur fils n’est pas né surdoué mais qu’il est tout simplement le fruit d’une méthode d’éducation qu’eux-mêmes ont conçue et lui ont transmis avec amour[27].

De même, Glenn DOMAN[28] soutient que l’on peut rendre les enfants précoces puis surdoués en leur donnant d’intenses stimulations visuelles, auditives et tactiles dès leur naissance. Selon lui, l’intelligence est acquise et tous les enfants du monde sont donc potentiellement capables de devenir surdoués. Les premières années de la vie sont cruciales pour le développement des habiletés mentales et en particulier des habilités cognitives nécessaires à tout apprentissage.

 

Toutefois M. DUYME, directeur de recherche au CNR, émet l’hypothèse que les EIP auraient, à l’instar des gauchers, un fonctionnement cérébral différent : s’appuyant sur de nombreux travaux et en particulier grâce au progrès de la médecine (électroencéphalographe, IRM et IRM fonctionnelle), il montre (DUYME M., 2002, p 37 à 39,25) que la recherche est active et qu’il convient de prendre en compte à l’école, en particulier au regard des rythmes et des méthodologies employées, les spécificités cérébrales des EIP.

 

En guise de première conclusion, l’on conviendra que les enfants précoces semblent disposer d’un potentiel qui leur permet d’associer les avantages d’une importante plasticité cérébrale à ceux de grandes capacités organisationnelles ; ces avantages sont sans valeur s’ils ne sont pas utilisés par l’environnement éducatif.

 

Ainsi, l’environnement éducatif, familial et scolaire doit apporter une quantité suffisante d’informations à stocker et à organiser ; si ce n’est pas le cas, les avantages neuropsychologiques ne resteront que des potentiels latents qui, peu à peu, disparaîtront. Dans nos sociétés démocratiques et avancées, l’épanouissement des individus est toujours considéré comme finalité de tout système éducatif.

 

Il resterait tout autant difficilement compréhensible que cette éthique éducative minimale ne soit pas accordée aux enfants précoces au nom de considérations plus idéologiques que scientifiques.

 

2.3.4. Au collège

 

Les constats de la plupart des auteurs font état d’une scolarité au primaire qui sans être paisible pour tous les EIP, reste, en particulier pour les raisons vues précédemment, très profitable. Il n’en est pas de même au collège.

Pour une première raison, déjà évoquée et bien connue pour tous les élèves, c’est que l’âge du collège est aussi celui de l’adolescence.

Et puis le collège est conçu de telle sorte que l’on demande à l’élève de maîtriser une matière pendant une année donnée pour passer ensuite à la suivante : l’EIP, très à l’aise en certaines et bien peu en d’autres, éprouve quelques difficultés à vivre le rythme ordinaire de ces successions : les apprentissages ne seront pas abordés selon leurs conceptions ou manières d’apprendre dans le même ordre, désirant en approfondir quelques-unes sans attendre, au détriment il est vrai, d’autres : cette obligation de gravir des paliers successifs risque de les décourager dans leur faim de connaissances (travaux de GOLAME – d’EAUBONNE (1997).

 

Il est aussi un cas (malheureusement) fréquent de l’EIP qui vit une scolarité primaire avec aisance, fournissant peu de travail scolaire à proprement parler car comprenant tout et vite dès la première fois, lisant vite, et, grâce à une mémoire alerte, réussissant sans fournir d’efforts. Mais abusé par sa facilité, cet élève ne voit pas venir la difficulté du collège : dès la 6ème, des failles apparaissent – mais on les pense accidentelles pour cet enfant « brillant » -, en 5ème les grandes difficultés sont là et la 4ème peut marquer l’effondrement… et pour l’EIP, il s’agit d’une véritable incompréhension puis souffrance[29] : bien évidemment un travail en particulier méthodologique et de parcours doit être entamé en amont … avec en même temps un travail de rassurage, trop laissé à la seule analyse de cet élève : ce n’est pas ici l’école qui est la cause de la « souffrance », c’est tout ce qu’il y a autour de cet enfant ; sa propre image, son écho familial voire maternel ou paternel, sa place dans le(s) groupe(s) constitué(s) (famille, copains, classe…), ses capacités à apprendre… avec ce risque paradoxal qui conduit à refuser ce que l’on souhaite ou à ne pas être satisfait de ce que l’on a.

Sans entrer dans un pessimisme incongru et au-delà des stéréotypes touchant alors certes les EIP mais aussi tous ces élèves en errance, « le schéma est bien celui-là : quand le renoncement a été trop dramatique, quand l’adolescent s’en veut de n’avoir pu concrétiser ses rêves, quand sa colère [quelquefois muette] est si grande que rien ne peut l’apaiser, il ne lui reste qu’une solution [...] : s’évader d’une façon ou d’une autre vers l’univers magique de son enfance, quand il croyait encore que tous les chemins lui étaient ouverts » (ADDA A., 1999, p 117, 1).

 

Tous ces propos peuvent sembler excessifs[30] bien que des rencontres avec certains parents et élèves aient bien montré ces risques : moins fatalité qu’avertissement, ils veuillent signifier, en une anticipation alors pensée, cette double difficulté d’abord de vivre un âge à la « carapace molle » (F. DOLTO) et ensuite celle d’apprécier un fonctionnement scolaire aux nouvelles normes.

 

Il resterait donc à concevoir – et cela se pratique déjà dans un certain de collèges publics et (souvent) privés - de revoir la politique d’accueil certes et non seulement des EIP mais encore et surtout des élèves relevant d’une plus grande différenciation des rythmes d’apprentissage : ainsi et par exemple, s’interroger sur des modalités d’organisation pédagogique permettant à l’élève à la fois de rester dans son groupe de référence (correspondance à son âge) pour une partie des activités et aussi de rencontrer d’autres élèves en un autre niveau (correspondance à ses capacités ou compétences) pour d’autres domaines d’enseignement (confer chapitre 1.1).

 

Enfin et pour le 2ème degré en particulier, l’usage des nouveaux dispositifs visant ainsi les voies de la réussite individuelle et celui des technologies modernes de l’information de la communication constituent, avec des aménagements d’emploi du temps, de nouveaux (d’autres) espaces susceptibles de permettre à l’élève de développer ses passions et/ou d’aller au bout de ses attentes ; cette démarche, ici plus centrée sur la problématique de l’EIP, pourrait (devrait) concerner tous les élèves du 1er cycle du 2ème degré ; les établissements ouverts à l’accueil d’enfants différents[31] devront, dans le cadre de leur projet d’établissement, définir un projet global permettant « d’épanouir les différences positives de chacun » (DELAUBIER, p 41).

 

2.3.5. et à l’âge adulte

 

Très peu de travaux ont été écrits concernant le devenir des EIP, dans leur vie adulte.

Il semblerait toutefois que l’âge adulte soit plus facile à vivre pour un « surdoué » reconnu que l’enfance et ce pour plusieurs raisons : d’abord la contrainte de l’âge n’est plus aussi forte que dans les parcours scolaires, ensuite – et surtout s’il a été diagnostiqué EIP dès son jeune âge -, il a construit sa différence au fur et à mesure, quels qu’en soient les heurs, enfin il rencontrera (ou a rencontré) – peut être – d’autres gens qui lui ressemblent (associations, clubs…)

Chapitre 3 : des solutions envisageables pour leur accueil

 

3.1. Le saut de classe

 

La vitesse de progression d’un élève et les contenus qui lui sont proposés forment un couple indissociable. L’une des solutions adoptées dans plusieurs pays (dont la France) pour apporter des contenus mieux adaptés aux besoins des élèves est l’anticipation de l’étape ultérieure de la scolarité : elle se réduit parfois à un « saut de classe » ; en France, depuis la mise en place des cycles, elle prend la forme d’une progression accélérée mais continue, permettant d’atteindre en deux ans des objectifs fixés pour un cycle d’une durée moyenne de trois années. Toutefois, il faut remarquer que cette possibilité est rarement utilisée ; le nombre des élèves « en avance » a même fortement reculé au cours des dernières décennies[32].

L’accélération du cursus peut être un moyen pour mobiliser un élève en lui permettant d’aller plus loin dans le programme et en l’amenant à rejoindre une classe d’un niveau plus conforme à ses aptitudes. Toutefois, cette possibilité est en général limitée à une ou deux années d’avance (officiellement, une seule année en France, même si quelques cas dérogatoires sont constatés). Elle présente, en effet, deux inconvénients majeurs : elle augmente les difficultés dans les domaines où l’élève est déjà peu à l’aise lorsqu’il est scolarisé avec sa classe d’âge et elle l’amène à côtoyer des élèves beaucoup plus âgés que lui, alors que le manque de maturité affective et sociale des jeunes « précoces » nous a souvent été rapporté. Prendre une année d’avance n’a d’intérêt que si cela répond à un besoin et à une attente de l’enfant, s’il y trouve un mieux-être, un équilibre, une restauration du goût pour le travail scolaire.

En revanche, ce saut d’une année ne doit pas faire naître une pression et « voler » à l’élève le temps qu’il aurait pu consacrer à la création artistique, au sport, au jeu, à l’amitié et tout simplement à vivre son enfance, puis son adolescence.

 

L’intérêt d’une progression différenciée selon les disciplines, par exemple à travers une organisation par modules ou unités capitalisables, serait également envisageable : ainsi un élève pourrait participer à un module prévu pour des élèves plus âgés en mathématiques tout en restant dans le module correspondant à son âge pour le français. Une dissociation des rythmes de progression est possible dans le primaire et depuis peu dans le 1er cycle du secondaire en France : elle favorise une gestion harmonieuse des accélérations.

 

D’une manière générale, pour trouver des réponses satisfaisantes à la situation des élèves disposant d’aptitudes particulières, la plupart des stratégies mises en œuvre sont fondées sur la recherche d’un bon équilibre entre les possibilités d’apports complémentaires (enrichissement, substitution ou approfondissement) et des possibilités maîtrisées d’accélération.

 

Cette avancée scolaire plus rapide semble en outre bien acceptée des enseignants même si certains professeurs de collège pensent que « le saut de classe en école primaire pose autant de problèmes par la suite qu’il n’en a résolu dans l’immédiat »[33].

 

Nombreux sont aussi les auteurs qui privilégieraient les classes, en primaire, à deux voire plusieurs niveaux pour toutes les adaptations pédagogiques alors possibles, au sein d’un milieu connu et souvent apprécié de l’élève.

3.2. Le doublement

 

Conséquence souvent repérée, lors de notre enquête, pour les EIP en difficulté ou échec scolaires, le doublement de classe reste une épreuve difficile et incomprise[34] : le manque de maturité ou des déficiences scolaires avérées dans certaines disciplines ou certaines compétences (souvent autour de l’écriture) sont évoquées.

Évidemment l’année scolaire est un tout et il paraîtrait difficile de laisser un élève poursuivre son parcours scolaire au seul regard de quelques disciplines où il excelle et de quelques autres quasi abandonnées : toutefois, et ces arguments valent, répétons-le, pour tous les élèves, le choc peut être « violent » : du statut de réussite voire de bon élève, celui-ci bascule dans un échec malgré un passé souvent brillant qui plaide en sa faveur.

Certes l’argument de « la consolidation des bases » conserve ses vertus… mais l’élève sait bien souvent, au fond de lui, qu’il les possède mais ne sait (ne peut ? ne veut ?) les exprimer : le redoublement banal (hors causes extérieures telles que problèmes de santé, difficultés familiales…) « d’un élève en difficulté change rarement en positif le cours de sa scolarité… au contraire … l’image qu’il a de lui-même est touchée, l’estime de soi perdue et le regard qu’on porte sur lui marqué du stigmate « redoublant », ce qui implicitement signifie : c’est un mauvais élève… Faire redoubler un EIP est trop souvent une catastrophe autant sur le plan psychologique que sur le plan intellectuel ». (SIAUD-FACCHIN J., 2002, p113, 7)

 

Certes le propos peut paraître excessif… et pourtant : rarement sont reconnus les bienfaits d’un doublement sauf à y mettre des conditions particulières…

Il n’est évidemment pas pensable de « considérer la promotion automatique comme la panacée et le remède à tous les maux pédagogiques : … un dispositif d’aide spécifique…, apporté au sein de la classe par l’enseignant lui-même »[35] reste une meilleure solution.

 

Faire en sorte que, pour tous, le doublement devienne exceptionnel, que de façon concertée les décisions soient prises, que de manière constructive l’année soit conçue par une mise en place de dispositifs d’individualisation des parcours de formation et de différenciation pédagogique, tels seraient les objectifs à poursuivre.

 

En plus et enfin, « nous devons faire le deuil d’un raisonnement binaire (maîtrise ou ne maîtrise pas, passe ou ne passe pas) et privilégier la prise en compte, au sein d’une classe, de divers degrés de maîtrise d’une même compétence à un moment donné ».[36]

3.3. Les structures dans les établissements scolaires

 

Au regard de toutes les adaptations telles que pensées en France, le rapport DELAUBIER (J. P. DELAUBIER, 2002, p 37 à 43, 28) émet un certain nombre de propositions, essentiellement structurelles et institutionnelles, ainsi composées :

-mettre en place, dès la maternelle, les interventions nécessaires à la prévention ou au traitement des difficultés

-utiliser pleinement les possibilités offertes grâce à l’organisation par cycle pour adapter le parcours de ces élèves à leurs besoins

-dans cette perspective, tirer profit des classes à double ou triple niveau : le choix de ces structures pourrait être privilégié pour accueillir les élèves précoces ; elles permettent en effet un fonctionnement souple grâce à une organisation pédagogique différenciée faisant une large part à l’autonomie et à la responsabilité de chaque élève

-adapter les programmes personnalisés d’aide et de progrès au cas particulier des élèves intellectuellement précoces : pour ces élèves, il est en effet nécessaire de construire, sur la base d’un diagnostic réalisé à partir des évaluations conduites au début de chaque cycle, un programme personnalisé prévoyant à la fois des anticipations ou des enrichissements dans certains domaines, un soutien dans d’autres domaines et des aides spécialisées pour traiter les difficultés les plus lourdes

-utiliser à bon escient la réduction d’une année de l’un des cycles primaires

-étudier l’éventualité d’une réduction d’une année sur le cycle central du collège (principe du « collège en trois ans » en portant attention toutefois à ce que, dans tous les cas, une avance de deux années ne puisse être qu’exceptionnelle et doive constituer une limite extrême à ne pas dépasser

-concevoir cet abrègement de la scolarité comme une « accélération » des parcours d’apprentissage et non comme une réduction de leurs contenus. Il ne s’agit pas que d’un « saut de classe »[37] : tout élève doit bénéficier d’une scolarité complète et continue : seul peut varier le temps total mis pour l’accomplir ce parcours.

 

Est-il besoin de préciser que ces propositions, ici abordées pour les EIP, sont à comprendre pour tous les élèves de notre Ecole ?

3.4. Le regroupement des élèves

 

A l’origine, les demandes parentales et associatives portaient sur la création de classes ou d’établissements réservés aux EIP. Cette demande reste encore exprimée quelquefois. Au-delà d’une reconnaissance des besoins de leurs enfants, les parents voient là la garantie d’une prise en charge adaptée. Par ailleurs, en dehors de l’objectif évident de rassembler des élèves manifestant des attentes communes et, dans certains domaines, des niveaux scolaires comparables, ce type de regroupement a aussi pour but de vaincre le sentiment d’isolement d’enfants qui vivent douloureusement leur singularité dans la classe ordinaire et qui aspirent à être « compris » et à communiquer avec des élèves partageant leur expérience.

 

D’autres solutions ont été préférées, en France comme à l’étranger :

-regroupement temporaire pour répondre à un besoin spécifique,

-regroupement à l’intérieur d’une classe accueillant, par ailleurs, d’autres élèves,

-accueil individualisé en milieu totalement hétérogène, mais à l’intérieur d’un établissement dont le projet manifeste une volonté de scolarisation des enfants intellectuellement précoces…

Cette évolution vers une approche plus individuelle et plus intégrée est particulièrement sensible ces dernières années. Le regroupement en structure spéciale n’apparaît plus, en soi, comme une réponse aux besoins des élèves intellectuellement précoces, mais, plutôt comme un cadre provisoire (« par défaut ») pour apporter cette réponse spécifique, tant qu’elle ne peut être apportée en milieu ordinaire ; la logique du « besoin éducatif particulier » prend ici toute sa dimension.

 

L’intérêt de cette hétérogénéité dans les classes, donc dans les établissements, permet  aussi, en particulier en collège, une meilleure intégration dans un groupe classe et éventuellement la construction d’un réseau relationnel.

 

Plusieurs études (O’SHEA (1960), BURT (1961), CORIAT (1987), LANDAU (1977) regroupées dans « Les enfants et adolescents à haut potentiel » (2001, 20) montrent que les regroupements « intellectuels » quelquefois privilégiés lors d’ateliers et de modules scolaires ou d’activités extrascolaires prennent le pas sur la « crise » d’adolescence, période aussi de recherche de sa propre identité, de rébellion et recherche d’autonomie, de camaraderie à laquelle les EIP sont, de la même sorte que les adolescents de leur âge sauf cas particuliers, soumis.

 

Ainsi et selon l’association AFEP, le regroupement d’EIP dans un même établissement mais en une dispersion dans des classes hétérogènes offre un double avantage :

-          psychologique et social en leur offrant la possibilité de communiquer avec des individus qui leur ressemblent et donc sortir de leur isolement

-          pédagogique en permettant accélération, enrichissement et approfondissement de l’enseignement (organisation, il faut en convenir, quelquefois complexe dans la mise en acte) dans un « choix » élargi d’enseignants et d’enseignements.

 

Dans les régions où ces structures existent, le problème du secteur scolaire reste aussi une question : des dérogations peuvent être accordées ; elles ne compenseront tout de même pas un éventuel déménagement ou des éloignements difficiles à gérer.

3.5. Les adaptations pédagogiques

 

Sur un plan plus strictement pédagogique, l’équipe universitaire de recherche belge déjà citée fait quelques propositions que nous reprenons ici (Les élèves à haut potentiel, 2001, p 67 à 72 – 20) :

 

Au niveau affectif et social :

▪ Prendre conscience de soi en leur apprenant à connaître leurs émotions et leurs sentiments

▪Prendre conscience des autres en les aidant à bien sentir leur place dans le monde tout en étant conscient de celles des autres

▪Trouver sa place au sein d’une communauté hétérogène en les aidant à comprendre que, même s’ils sont différents, ils ont beaucoup en commun avec les autres

 

Au niveau de l’apprentissage :

▪S’appuyer sur leurs ressources en centrant leur attention sur le développement de ces ressources, sur les intérêts existants et leurs capacités intellectuelles exceptionnelles

▪Proposer un environnement épanouissant qui valorise leurs différences individuelles et encourage l’interdépendance

▪Varier les méthodes en cherchant toutes les sources d’information appropriées et tous les canaux existants

▪Mettre en œuvre un véritable apprentissage coopératif : nous insisterons particulièrement sur ce point tant il semble être, là encore pour tous les élèves, un bon moteur de l’apprentissage ; ainsi les bénéfices de ce type de pratique seront :

▪l’opportunité d’expliquer des contenus à des pairs, ce qui contribue à une meilleure intégration des contenus ;

▪des démarches d’apprentissage actives, basées sur la recherche, la résolution de problèmes, le conflit socio-cognitif ;

▪des bénéfices certains au niveau personnel et social, tels que l’estime de soi, l’amitié avec des pairs très différents de soi, un intérêt réel pour le sujet, une formation à un véritable travail d’équipe, très différent d’un travail de groupe ;

▪des bénéfices pour tous, et pas seulement pour ceux à haut potentiel ;

▪le développement de qualités relationnelles fondamentales pour la vie active.

▪Développer des projets de service ou des activités communes telles que IDD, PPAP, TPE…

▪Encourager la pensée philosophique autour des grandes questions et thèmes universels

▪Offrir des activités culturelles tant une confrontation très précoce aux grandes œuvres instaure un autre rapport au monde.

▪Stimuler la créativité : « la créativité, qui peut s’exprimer sous des formes diverses, peut être un facteur prophylactique de dérivation ou de libération face à des décompensations névrotiques graves » J. de AJURIAGUERRA (1974)

 

3.6. La formation des enseignants

 

Le cadre de cette problématique générale des enfants à fort potentiel intellectuel doit s’intégrer dans une véritable formation à la diversité qui prenne en compte toutes les formes de différences : c’est là en effet « l’une des premières demandes des familles et associations pour que soit modifié le regard porté par les acteurs du système éducatif sur l’EIP » (rapport DELAUBIER J.P., 2001, p 42, 28).

 

C’est pourquoi, en certains lieux, des formations peuvent se décliner suivant plusieurs propositions et actions :

 

¬d’abord inclure dans les plans de formation initiale de tous les enseignants un temps de sensibilisation à la situation particulière des EIP, sous forme probablement de module qui serait intégré, dans un autre plus vaste de la formation à la prise en charge de la diversité (1er et 2ème degré) : là se construirait réellement un changement de regard sur l’hétérogénéité de tous les élèves, qui prenne en compte la « reconnaissance de la complexité de la personnalité de l’élève » ( ibidem p 43). A cet égard, plusieurs expériences existent dans certains IUFM : et, en fin de ce chapitre, le lecteur trouvera les résultats et commentaires réalisés à l’occasion des investigations conduites ;

 

¬de la sorte, inscrire également cette dimension dans les plans académiques de formation continue et constituer des lieux d’écoute, de parole donc de formation pour aider et suivre les enseignants impliqués dans cet accueil.

A cet égard, le centre M. DELAY [38] (IUFM de LYON) a conçu un module de 60 h qui porterait sur :

- l’aide à la formulation des observations faites sur certains élèves, dans des contextes d’enseignement/apprentissage différents.

- la mise en place et le suivi des dispositifs, tant dans leur conception que leur conduite.

- l’élaboration et l’utilisation d’outils susceptibles de permettre des observations (de conduites, d’attitudes, de stratégies d’apprentissage,…). Ces dernières sont toujours liées à des hypothèses de travail ou des intentions expérimentales.

- la circonscription de concepts pluridisciplinaires, à partir desquels sont construites des séances d’enseignement

- un apport théorique et pratique sur la décontextualisation des apprentissages et la « métacognition » : mise en place progressive de phases, de dispositifs conçus à ces effets ;

 

¬introduire enfin la question des EIP dans la formation des enseignants spécialisés en particulier pour la préparation des CAPSAIS option D, E et G.

 

Chapitre 4 : interactions enseignants et parents

 

4.1. Des dérives et des critiques

 

Le souhait voire la volonté – d’aucuns parlent de revendication – d’instaurer un traitement particulier pour les EIP revêt aussi de réelles critiques.

 

Les premières, déjà entendues, sont celles d’une idéologie dangereuse, notamment celle du don, inné, qui conduirait à des explications déterministes en particulier dans une philosophie méritocratique qui voudrait « que la hiérarchie sociale [soit] basée sur le mérite lié aux dons et que c’est pour cela qu’il faudrait consacrer toutes les ressources éducatives possibles aux enfants dits doués ou talentueux » (BERTHELOT J., 1987, p 54, 11). Ce même auteur cite alors plusieurs ouvrages qui reprennent ces thèses « exclusives »… et conclut en remarquant que cette méritocratie du don sert avant tout de paravent idéologique aux inégalités et à leurs conséquences : « Dans une société stratifiée, la répartition des individus de chaque nouvelle génération dans la structure sociale ne se fait pas au hasard… La position atteinte, dépend au contraire étroitement de son milieu d’origine »[39]. Là encore et sans vouloir aller plus loin dans ces affirmations qui font toujours l’objet de débats et en renvoyant cette question également au problème du repérage des EIP, le traitement du surdouement ne peut s’exclure d’une problématique plus générale de la difficulté scolaire et donc de l’apprentissage.

 

Dans le même esprit, la mise en œuvre de classes ou d’actions spécifiques est bien souvent critiquée ; mais elle resterait justifiée si les points suivants étaient avérés (travaux de DAVIS et RIM (1985) et WHITMORE (1980) cités p 40 par BERTHELOT, 11) :

-          un manque de respect pour chacun

-          un climat compétitif

-          une rigidité d’un cadre scolaire

-          le stress du à l’évaluation

-          le syndrome de l’échec

-          le contrôle total de l’adulte sur la situation scolaire

-          un contenu peu stimulant

… qui finalement expliquent de nombreux autres problèmes scolaires.

 

Aussi bien, une liste non exhaustive de réussites d’hommes et femmes n’ayant pas été identifiées comme intellectuellement précoces ou douées dès l’enfance vient certes étayer la principe de l’exception confirmant la règle ou bien celui qu’un talent particulier n’est signe ni de précocité, ni de brillance (ou échec) scolaire : citons VAN  GOGH, GAUGUIN, FARADAY, BEETHOVEN, CHURCHILL, EINSTEIN, RUSSEL, NEWTON, EDISON… » (BERTHELOT, p 57, 11)

 

D’autres dérives ont été constatées[40] :  ainsi les travaux de RICHERT (1997) déplorent qu’aux USA, le curriculum scolaire le plus motivant se rencontre dans les programmes pour enfants à haut potentiel, alors que les autres élèves doivent souvent se contenter durant toute leur scolarité de programmes monotones et dépourvus d’intérêt. De plus, il indique que sont placés bien souvent les enseignants les meilleurs et les mieux formés dans les programmes spéciaux pour les enfants à haut potentiel, niant les bénéfices de tels enseignants pour les élèves qui ont d’autres capacités.

 

 

Pour WEBB, MECKSTROTH et TOLAN (1994), là où des programmes pour enfants à haut potentiel existent, il semblerait que trop souvent, les priorités sont mises sur une répétition accélérée de contenus. Ces programmes insistent essentiellement sur les principes et les concepts dans une logique évaluative. Bien peu valorisent la curiosité et le plus souvent, ils poussent à la conformité. Ils accordent trop peu de place pour développer la compréhension de soi, la capacité d’être en relation avec l’autre, la sensibilité aux sentiments et une image de soi positive.

Car, dans un contexte démocratique d’égalité des chances, il faut avant tout commencer par reconnaître que ces enfants sont différents, pour ensuite les aider à développer leurs facettes sociales, interpersonnelles et intra personnelles, pour « pouvoir être en relation avec le reste de l’humanité ». C’est là qu’ils pourront à la fois faire connaître et faire profiter les autres de leurs richesses, et pour certains, dépasser leurs difficultés de socialisation.

 

De là, deux risques essentiels seront à surveiller :

-          les classes de bons élèves tout d’abord : certaines classes annoncées comme spécifiques, dans les secteurs privés et publics, recrutent des enfants précoces sur la base de leurs QI… et de leurs résultats scolaires

-          la création d’un marché : en ne répondant pas aux besoins spécifiques d’un grand nombre de ses (ces) enfants, la société a laissé la porte ouverte à quelques dérapages. Rien ou presque n’est prévu pour les enfants surdoués (même si repérés) non issus d’un milieu privilégié.

 

A cet égard le rapport DELAUBIER (2002, p17 à 20, 28) nous éclaire sur les politiques éducatives concernant les EIP telles qu’identifiées parmi tous les pays du monde :

- des pays où est affichée une attitude très volontaire (Etats Unis, Canada, Israël et Taiwan)

- des pays qui prennent en compte officiellement la situation de ces élèves mais sans que soit élaboré un programme systématique à leur sujet (pays anglophones, tels que Grande-Bretagne, l’Afrique du Sud et l’Australie ; pays de l’Europe de l’Ouest tels que l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne ; pays asiatiques comme Singapour et la Corée du Sud ; la Russie et certains pays de l’Europe de l’Est)

- des pays où existent des expériences et un intérêt pour la question mais sans prise de positions exploitées (la France et l’ensemble de la Francophonie, l’Amérique Latine et l’Afrique dans une assez large partie)

- des pays apparemment opposés à toute mesure (pays scandinaves et le Japon).

4.2. Le rôle des enseignants

 

Les EIP, comme bien d’autres élèves évidemment, sollicitent très souvent l’adulte : un de ses référents, alors tuteur (son maître ou un professeur) occupe alors une place qui, pour être à certains égards privilégiée, n’en reste pas moins bien souvent inconfortable.

Ainsi et par exemple, face à une agressivité plus ou moins contenue, un rapport à l’autorité s’installe : ces enfants, sensibles à la justice et férus de rationalité l’interrogent sans cesse. Remettant fréquemment en question le fonctionnement de l’institution scolaire, il leur est difficile de se plier à toute méthode de travail dictée de l’extérieur et de respecter des consignes qui leur semblent trop étroites ou arbitraires (TOLAN (1985, p 83, 20).

 

Avec un recours fréquent à l’intellectualisation et à la rationalisation, ils provoquent une triple attitude difficile à conjuguer :

-     certes une valorisation pour l’enseignant satisfait d’être à la fois vite compris et entendu, avec un support fidèle et fort à leur discipline même si quelquefois l’EIP déroute par la qualité ou la quantité du savoir. Du reste, J. BERTHELOT (J. BERTHELOT, 1987, p 16, 11) montre bien que les enseignantes et les enseignants, dans leur ensemble, perçoivent favorablement les élèves qui réussissent bien à l’école (ce qui n’implique pas, et de loin, tous les EIP avec lesquels nous avons eu contact).

-          aussi une frustration face à ce type d’élèves dont la motivation n’est pas stimulée ni de la même façon ni dans les mêmes activités que leurs camarades de classe et qui affichent une divergence de conduite par rapport au groupe

-          et puis une ambivalence car « tantôt ils sont admiratifs voire fascinés par ces capacités exceptionnelles allant jusqu’à manifester ouvertement leur intérêt pour ces « génies en herbe » ; tantôt ils conçoivent un certain sentiment d’envie voire de gêne pour cet élève qui les dépasse et les défie perpétuellement »[41].

 

En même temps, l’enseignant attend, en général, de l’élève une efficience scolaire moyenne : l’EIP risque d’avoir alors une évolution bien inférieure à ses possibilités … si bien que, paradoxalement, l’école, dans sa forme «classique », devient alors pour lui un frein… d’où des comportements qui déstabilisent.

 

Alors quels enseignants : selon B. PROT (1997, 15), les EIP – mais comme beaucoup d’élèves – « ont besoin d’enseignants très équilibrés, structurés et structurants qui les ramènent sans cesse sur terre, dans les limites du faisable, voire du viable ».

Certains d’entre eux dans les établissements qui se sont engagés dans des expériences reconnaissent avoir ainsi beaucoup plus réfléchi à et sur leur pratique : « ni dogmatique, ni castrateur mais savoir poser les cadres et les objectifs […] : l’idée est de leur redonner confiance en leurs potentialités pour qu’ils les valorisent. A nous de trouver la clé »[42].

 

En même temps l’enseignant est soumis à une double contrainte : celle d’un idéal d’égalité qui forge ses conceptions professionnelles et le respect de l’individu dans toute sa diversité. Autrement dit la double dimension éthique, « celle de la différence au nom de laquelle un type de traitement éducatif et adapté est exigible pour ces élèves et celle de l’égalité au nom de laquelle on ne peut que refuser d’accorder un privilège »(DUBREUCQ E, 2002, p 57, 24). Les questions importantes de l’égalité des chances et celle de l’équité restent posées.

 

4.3. Le rôle des parents

 

S’il est un aspect important à aborder, c’est celui du rôle des parents, non seulement dans leur (éventuelle) détermination pour savoir si leur enfant est intellectuellement précoce mais aussi dans celle d’une prise de conscience puis d’un accompagnement de cet enfant : en effet, celui-ci réclame un grand besoin affectif avec un cadre familial équilibré et sain pour s’épanouir[43]. Les parents devront être là pour lui offrir la culture et l’ouverture d’esprit qui favorisent l’enrichissement de sa personnalité en exploitant au mieux ses capacités : cela passera par la reconnaissance de son aisance intellectuelle et celle de la compétence affective et psychologique que celle-ci entraîne.

 

Descriptif bien idyllique car être parent d’EIP comporte risques et difficultés.

 

a) Il convient de citer en premier les risques d’incompréhension de la part des parents, pour lesquels il est difficile d’admettre des conduites infantiles chez un enfant qui raisonne pour le moins comme un adolescent. CORIAT (1987) précise que c’est, en effet, une attitude bien courante que celle d’attendre avec obstination que le surdoué se conduise toujours de manière « intelligente », conforme aux normes des adultes. La « bêtise » légitime de l’enfance lui est souvent interdite et l’on s’énerve lorsqu’il ne répond pas à l’attente suscitée par sa maturité intellectuelle. Ce phénomène est beaucoup plus prononcé quand il s’agit de surdoués de familles culturellement défavorisées.

Un autre aspect de l’incompréhension des parents, bien plus grave, s’adresse directement aux intérêts intellectuels de l’enfant qui cherche alors des modèles d’identification étrangers à la famille, parmi ceux qui peuvent le comprendre et l’encourager. Dès lors l’identification à un modèle devient un délicat dilemme dont l’alternative peut se résumer ainsi : s’intégrer au sein de la famille et renoncer, par exemple, à assouvir sa soif d’apprendre ou bien s’épanouir intellectuellement et risquer l’angoisse résultant de la culpabilité de se tourner vers d’autres modèles que ceux habituellement admis.

 

b) L’école, le quartier, le lieu de vie de cet élève « reconnu autre », tous les regards portés concourent à introduire chez ces autres intervenants auprès des EIP une sorte de mise en doute : ces parents ne sont-ils pas eux aussi, « hors normes », défaillants, voire inadéquats ? … Remis en question dans leurs compétences, ces parents peuvent développer une certaine incertitude par rapport à leur attitude, un manque d’assurance, voire un malaise. De là à faire montre d’une certaine jalousie ?

 

c) De même, les parents sont, de fait, un modèle pour l’enfant qui découvre, à travers la passion de ses parents, d’autres occasions de s’ouvrir sur le monde. Mais il est parfois difficile de trouver l’équilibre entre une grande disponibilité d’écoute et une compréhension réelle avec une attitude ferme, autoritaire et tout autant  bienveillante : d’où l’intérêt des parents de s’efforcer de considérer l’enfant dans sa globalité, en tenant compte de sa maturité, de ses attentes et de ses besoins.

 

d) Ces parents sont très sollicités voire harcelés par les interrogations de leurs enfants : celui-ci a souvent recours à l’intellectualisation et à la rationalisation de leurs questionnements … avec le risque d’un sentiment de culpabilité familial lorsque cette famille ne peut satisfaire cet enfant et son insatiable curiosité (confer problème de dyssynchronie sociale déjà évoquée au chapitre 2.3.2.).

 

e) Les cas d’enfants stimulés voire forcés sont fréquents : quelquefois une compétition sociale des parents à travers leur enfant ou bien des contraintes d’apprentissage excessives peuvent lui donner une apparente précocité qui s’estompera, si non avérée, par la suite (MARCELLI (1994), Mais ces exemples de pression morale peuvent être exercés aussi souvent de manière inconsciente par les parents ; ainsi et malheureusement, si l’EIP, dans un premier temps, est ravi de faire plaisir à ses parents et excelle en classe parce que cela lui est facile, il n’est pas évident qu’il prenne, par la suite, autant de plaisir, surtout à l’adolescence, donc au collège ; il entre alors en « rébellion », ne réalisant en outre pas les traumatismes et dommages affectifs et psychologiques qui peuvent naître de tels comportements. A cet égard, le terme « gavage » est régulièrement employé [44], reconnaissant aussi que « la pression considérable des parents sur leurs enfants fait qu’ils vivent l’école comme une menace plutôt qu’une aide, un lieu d’exclusion plutôt que d’intégration et d’apprentissage »[45].

 

f) Bien souvent les parents superposent facilement l’image de l’EIP avec celle d’un enfant capable d’autonomie dans son travail. Or l’autonomie suppose la maîtrise des structures d’apprentissage : l’autonomie s’apprend[46]… et c’est même là une partie longue et difficile.

 

Arielle ADDA (2003, p74 à 76, 24) a fort bien décrit certaines attitudes parentales  quand ils apprennent que leur enfant est intellectuellement précoce : ainsi envisagent-ils aussitôt « un avenir sombre, ponctué de luttes incessantes avec l’Ecole, comme s’ils avaient été frappés d’une malédiction dont ils se seraient bien passés. » Pour un peu, ils regretteraient d’avoir fait passer un test à leur enfant ; mais ils voulaient en avoir le cœur net pour ne pas passer à côté d’un élément important, et surtout recevoir des conseils adaptés, parce que cet enfant est pour le moins déconcertant.

Déjà il n’est pas facile pour eux de prendre cette décision de test ou d’examen, même si le plus souvent elle vient d’eux-mêmes : ils ont lu, entendu, regardé des sujets traitant des EIP et ils ont cru reconnaître quelques traits de leur enfant. Il leur a fallu ensuite déployer une grande énergie et user d’audace pour faire passer cet examen psychologique.

« La famille élargie participe aussi parfois à cette entreprise de dissuasion, attitude tellement prévisible que souvent les parents disent qu’ils n’ont parlé de rien à leur entourage. C’est l’occasion idéale pour que de très anciens contentieux reviennent à la surface, perturbant gravement une harmonie familiale péniblement entretenue jusque-là ».

Il faut tout d’abord rassurer ces parents déstabilisés : un examen psychologique est toujours utile pour comprendre plus clairement son enfant et pour l’aider au mieux de ses intérêts. Cette démarche, qui leur semble hasardeuse, suscite souvent une inquiétude si grande que ces parents oublient presque qu’ils sont guidés par un souci légitime d’éducation et surtout l’amour absolu qu’ils portent à leur enfant : ils le veulent heureux et sont prêts à tous les sacrifices pour cela.

Si, à l’écoute des résultats, « certains parents s’effondrent littéralement c’est surtout un intense sentiment d’impuissance qui apparaît : ils ne vont pas savoir comme élever cet enfant différent.

Parfois l’annonce du résultat fait naître une sorte de timidité chez ces parents qui n’osent alors plus l’éduquer, comme si son intelligence éveillée lui permettait de tout savoir et surtout de savoir ce qui lui convient. C’est la voie ouverte à tous les caprices au détriment du véritable épanouissement de l’enfant, devenu un tyran insatiable, parfaitement insupportable. »

 

En réalité, de nombreux parents se reconnaissent dans le portrait de leur enfant avec tous les souvenirs scolaires heureux ou désagréables qui leur reviennent en même temps à la mémoire.

L’impuissance est alors la même, accrue par le sentiment accablant d’un recommencement qu’on ne peut empêcher et qui peut inéluctablement placer l’enfant dans un circuit de malheurs d’où il ne  s’échappera que difficilement.

 

Il arrive aussi que les parents s’efforcent d’oublier le résultat du test : ils se comportent comme s’ils pensaient qu’en considérant ce résultat négligeable, tout finira par rentrer dans l’ordre ; l’enfant lui-même reviendra dans la norme et tout redeviendra comme avant.

Si on explique à ces parents que cette précocité doit impérativement être pris en compte et que cette reconnaissance n’entraîne pas de modifications profondes de la vie familiale, l’enfant, qui a compris qu’il avait désormais la permission d’être lui-même s’épanouit, avec une rapidité remarquable : il est transformé.

Cette transformation se produit d’ailleurs dans tous les cas où l’enfant est soulagé d’avoir enfin une explication à son état de malaise.

 

Ces enfants, qui ont été reconnus assez tôt « pour qu’on leur évite un étouffement provoqué par l’accumulation de malentendus que rien ne peut dissiper, parviennent généralement à un accomplissement satisfaisant : scolarité aisée, études supérieures de leur choix et vie professionnelle intéressante, mais il a tout de même fallu une attention vigilante de la part de leurs parents pour leur éviter de s’endormir dans une fallacieuse impression de facilité ».

 

Dès lors quel rôle imputer aux parents, spécifiquement quand leur enfant est déclaré intellectuellement précoce ?

Après l’avoir identifié puis reconnu, le considérer, aussi et d’abord, comme un enfant avec sa vie régulière, un sommeil suffisant, une vie équilibrée, tous ces paramètres étant nécessairement adaptés à l’âge de l’enfant[47]. Ce même pédopsychiatre cité en note propose ensuite trois points importants pour aider ces enfants :

-          donner sens à leur histoire en leur montrant comment faire son chemin

-          asseoir et consolider ce qui leur plaît en repérant ces pôles d’intérêt

-          les accompagner dans leur envie de connaître

 

Cet enfant « doit être un membre actif de son talent et connaître son fonctionnement intellectuel lorsqu’il est en situation de production… si cet enfant a pu construire des bases solides, on peut avoir confiance en lui pour savoir diriger son avenir ».[48]

 

Un autre auteur, Philippe GOUILLOU (GOUILLOU P., 1998, p 75 et suivantes, 9), fait part de quatre besoins auxquels il conviendrait que puissent répondre, en particulier, les parents, que ce soit dans leur milieu familial ou dans l’environnement qu’ils sauront créer :

- le besoin de miroir c’est-à-dire de pairs qui lui ressemblent et lui permettent de compenser l’effet Pygmalion négatif décrit par J. Ch. TERRASSIER

- le besoin de dominante c’est-à-dire de domaines dans lequel il montre ses larges compétences

- le besoin de stimulation de son intelligence par exemple en discutant avec lui sur des sujets importants (techniques, sociaux, politiques, économiques, en employant des jeux de logique, en usant finalement de tous les prétextes le conduisant à exercer sa précocité intellectuelle

- le besoin de compréhension face à certaines difficultés souvent remarquées chez les EIP comme celle d’une écriture au départ difficile

 

Au-delà des besoins d’apprentissage pour leurs enfants, les besoins d’assistance (counseling) peuvent intéresser les parents : ceux-ci sont davantage pris en compte dans les diverses associations[49] mais aussi dans des lieux d’écoute institutionnels : évidemment ces démarches d’assistance reposent sur le fait que les EIP réclament des besoins éducatifs particuliers : ces derniers existent vraiment et influencent fortement le succès – ou l’échec – du développement des capacités de ces jeunes. Ces démarches doivent être conduites par des professionnels compétents autant dans le domaine de la douance que dans celui de l’accompagnement scolaire et psychologique.

 

 

Afin de clore, provisoirement, ce chapitre, il convient également de rappeler voire préciser certaines attitudes parentales excessives qui concernent autant l’enfant dans sa famille que l’élève dans son attitude scolaire.

 

Ainsi, certains parents surinvestissent le potentiel intellectuel de leur enfant au point d’éprouver des satisfactions ou des dépits intenses selon les circonstances.

Existent également des parents pour lesquels la précocité de l’enfant est mal vécue. Ces parents souhaitent réprimer l’intelligence de l’enfant sous prétexte qu’ « il ne faut pas qu’il se croie supérieur aux autres et qu’il attrape la grosse tête »[50]. Les réussites de l’enfant sont tenues pour négligeables, alors que l’accent est mis sur les échecs.

Bien d’autres réactions sont possibles. Lorsqu’ils prennent conscience des grandes possibilités de leur enfant, certains parents réagissent de façon anxieuse, se demandant s’ils seront capables d’aider véritablement leur enfant dans son évolution et se sentant coupables par avance de ne pas l’être.

D’autres, très optimistes, y voient une garantie pour la réussite professionnelle, et plus largement, dans la vie…finalement toutes ces attitudes qui montrent désarroi et espoir dans des affres qui ne s’estomperont qu’avec des réponses qu’ils auront construites avec leur enfant et qui, dès lors, leur conviendront.

 

Ainsi, les parents sont bien au premier plan ; ils vivent aussi au quotidien les difficultés affectives et/ou scolaires de leur enfant : dans la détermination à comprendre et à franchir, avec leur enfant, les obstacles, la réussite de chacun pourra être là.

 

Chapitre 5 : ENQUETE sur l’Académie de CLERMONT-FERRAND

 

Quels que soient les ouvrages sur les recherches effectuées, il est difficile de définir avec stricte précision, aussi bien qualitativement que quantitativement, cet ensemble d’enfants et d’adolescents qualifiés d’EIP. En effet, et nous l’avons vu auparavant, il s’agit d’une notion qui reste relative puisqu’elle dépend

-          des domaines pris en compte puisqu’il n’y a pas d’uniformité pour un EIP dans tous les champs d’activités,

-          des critères et outils pour évaluer le degré de précocité,

-          du seuil fixé pour définir une population scolaire « précoce ».

 

Si l’on s’en tient à la préoccupation essentiellement des familles françaises et des interrogations régulièrement soulevées, c’est la précocité intellectuelle qui est souvent relevée : dès lors le premier outil communément admis pour délimiter ce groupe d’enfants est le quotient intellectuel (QI) déterminé (confer chapitre précédent) à partir de batteries de tests tels que le WISC.

 

De là, et selon le rapport DELAUBIER (20), le repère le plus souvent utilisé se situe à 130, ce qui représenterait alors 2,3 % de la population : donc l’effectif scolaire concerné se situerait aux environs de 200 000 élèves de 6 à 16 ans (scolarité obligatoire en France depuis la loi BERTHOIN en 1959). Ainsi que dit précédemment, nous reconnaîtrons volontiers que cette délimitation reste arbitraire et qu’elle peut concerner des profils très différents, puisqu’il est entendu que le seul QI ne rend pas compte de la diversité des formes d’intelligence.

 

A cet égard, plusieurs remarques s’imposent : d’une part, le pourcentage établi par le Rapport DELAUBIER indiquerait donc pour l’Auvergne environ 3000 à 3500 élèves susceptibles d’être qualifiés d’intellectuellement précoces ; au regard des réussites de ces élèves établies toujours selon ce même rapport (20) ou celui de l’université belge (21), 60 à 70 % d’entre eux seraient dans l’excellence ou le parcours scolaire sans difficulté notable. Par contre, les 30 % restant seraient soit dans la difficulté passagère, soit une difficulté davantage marquée, soit dans l’échec grave.

D’autre part, « seulement » 176 élèves de la maternelle (Petite Section) au lycée (1ère) ont été signalés dans les établissements auvergnats ; pour un certain nombre d’entre eux (la moitié environ), il n’y a que des échos positifs quant à leur parcours et donc leur réussite scolaire. Pour l’autre moitié, les enseignants, chefs d’établissement et parents ont évoqué par courrier, téléphone ou mail des difficultés : nous allons reprendre l’essentiel de ces commentaires en croisant les remarques et propos de tous nos interlocuteurs

 

a)le premier point remarquable reste celui, en certains établissements scolaires, d’une difficulté voire d’une crainte à constater – et même à vouloir constater – la présence (« l’existence ») des EIP. Il y a un « effet de frein, visible, reconnaissable au non signalement de ces cas pourtant patents »[51] dans un double désir : l’un, plus ou moins conscient car probablement idéologisé, est résumé dans cette remarque adressée entre collègues de collège : « que peut connaître un prof de musique sur ces élèves ? » ; l’autre est argumenté de la non-existence d’enfants ayant ces particularités « avec de fortes résistances à les reconnaître, sauf pour leur propre descendance [52]». Ces propos (ANNEXE N°24) peuvent éventuellement s’accorder aux constats et appels téléphoniques reçus à mon bureau : sur la trentaine de ces cas particuliers dont j’ai eu connaissance, plus de la moitié émanent d’enseignants… il est vrai, confrontés et habitués aux nécessités de la réussite scolaire pour la promotion d’un avenir plus serein pour leur enfant…

Ces remarques ne se veulent évidemment pas polémiques : toutefois rencontrées même à la marge, elles illustrent tout le chemin à parcourir dans l’acceptation de la différence, quelle qu’elle soit…[53]

 

b) La question du traitement pédagogique de ces élèves est aussi, au contraire des propos précédents, souvent abordés dans des questionnements autour de : « comment gérer ce type d’élèves alors que l’hétérogénéité est partout présente ? ». Au-delà des réponses déjà abordées dans le chapitre 3, il ressort des incompréhensions : « pourquoi les EIP ne sont-ils pas toujours les premiers de la classe ? Comment réguler une avance acquise en certaines disciplines avec des retards avérés [surtout sur les plans méthodologiques] ? Comment assurer des cohérences d’ensemble quand, au-delà des absentéismes, c’est un zapping permanent entre les disciplines ? Quid de leur orientation : internat, saut de classe, IR, IME, ou classes européennes ? »[54]. Ces quelques questions rapportées montrent bien les désarrois des enseignants (et parents) confrontés à ces problèmes.

 

c) Car il est une sorte de leitmotiv : c’est celui de l’identification de ces élèves que la phrase suivante relève : « les professeurs et moi-même [principale d’un collège rural] ne nous jugeons pas compétents pour les [EIP] repérer : seuls des tests organisés par des spécialistes peuvent permettre de le faire ». Dès lors il conviendrait d’abord de « faire savoir à TOUS les enseignants que ces élèves existent en nombre non négligeable… »[55] et ce en s’appuyant en premier lieu sur ceux qui peuvent « aider à un diagnostic bien difficile ». Toutefois, les enseignants restent vigilants et attentifs : certains signes les alertent ; ils indiquent en particulier :

         négativement : leur lenteur à l’écrit, le refus du cadre scolaire, l’adaptation difficile aux rythmes de la classe, le grand écart entre la maturité intellectuelle et la maturité affective ;

         positivement : une richesse de vocabulaire dans une vraie aisance orale, une mémoire développée, des connaissances pointues remarquables.

Il reste que le souhait – et la nécessité – d’information existe(nt)… de manière à trouver évidemment la meilleure solution.

 

e) La dimension médicale ne doit pas être oblitérée : quelques fois avérée, d’autres fois prétexte ou bien encore symptôme, elle revient dans plusieurs discours plutôt parentaux : ainsi des cas d’anorexie, d’angoisse jusqu’à la dépression (confer chapitre 2.3.2.), de narcolepsie, alliés à des suivis médicaux importants, nous ont été rapportés. Aussi bien des consultations chez des psychologues privés ont quelquefois contribué certes à la reconnaissance de la précocité mais aussi à des propositions proches de prescriptions … avec toutes les difficultés inhérentes à l’adaptation entre « il faut que votre enfant saute cette 5ème » ou bien « il n’a qu’à se consacrer uniquement à certaines disciplines » et la réalité de l’établissement qui doit garder ses prérogatives pédagogiques.

 

f) Certaines résistances voire réticences parentales sont également apparues : d’abord celle d’indiquer aux enseignants, mais aussi à l’entourage et aux autres parents d’élèves, cette caractéristique, ressentant presque cette précocité comme une anormalité à cacher… Et puis comment demander, aux yeux « des autres » un traitement différent pour un élève car chacun interprétera cette différence … (propos d’un médecin en milieu rural, parent d’EIP) ; ou encore, que penser des collusions que crée le hasard quand parents d’EIP et enseignants sont, là aussi en milieu rural, pour l’un conseiller municipal, l’autre maire… sur des listes opposées ; enfin, mais les exemples seraient nombreux, cette professeure d’anglais qui ne sait comment dire à ses collègues, la « particularité » de son fils craignant qu’au sein de son établissement les réactions soient contraires à celles nécessaires…

 

g) Une des préoccupations souvent entendues reste celle ainsi formulée : « où puis-je mettre mon enfant ? » A cet égard, nous avons vu que la création de classes spécifiques ne possède pas, loin s’en faut, que des avantages ; par contre celle de structures d’accueil semble plus efficace, d’où un recensement voire la recherche d’établissements d’accueil.

En Auvergne, seuls deux établissements privés sont spécialisés dans la venue des EIP : des contacts avec un collège public du Puy de Dôme (et probablement un autre dans la Haute-Loire) sont en cours afin de créer cet espace d’accueil. Certains critères sont retenus :

- volonté des équipes de direction et enseignantes de ces mises en œuvre

- projet d’établissement autour du « traitement de la différence » dans son ensemble

- population scolaire variée (mixité sociale effective)

- proximité d’un bassin de population important

- présence (éventuelle) d’un internat (pour les départements plus ruraux)

-          caractéristiques locales (par exemple changement d’image d’un établissement)

 

h) Sans vouloir entrer dans un stéréotype alarmiste mais aussi puisque l’enquête et les propos entendus, permettaient la libre expression, un relevé « connoté » de certains mots est révélateur : « dépassé, dérouté, désarmé, désemparé, déstabilisé, déconnecté, décalé, dévalorisé... ». Transition non pessimiste mais significative des « désarrois » enseignants et parentaux.

 

CONCLUSION GENERALE

 

Traiter de l’élève en général est bien souvent sujet à discussions voire à controverses ; mais traiter de l’élève intellectuellement précoce avec tout ce qu’il réclame de décentration requise pour comprendre et décider d’une orientation d’action l’est encore plus : l’abondance de la littérature, l’intérêt médiatique, les informations diffusées par l’Internet …et puis, le retentissement idéologique, l’effet de syndrome, autant de pistes qui ne facilitent paradoxalement pas une idée juste sur cette question.

 

Nous savons aussi maintenant qu’un nombre important d’EIP réussit bien, voire très bien, dans nos établissements : ces élèves sont (ou non) repérés ; ils bénéficient (ou non) de « programmes » adaptés et « d’accompagnements » adéquats[56] ; ils sont bien souvent la « fierté » de leurs enseignants et de leurs parents.

 

Evidemment et surtout, il est aussi un nombre certain d’entre eux qui sont en difficulté voire en grande difficulté, qui ne réussissent pas à s’adapter à la scolarité proposée ou pour qui notre système scolaire n’a pas trouvé la bonne réponse à leur nécessaire scolarisation : l’idée de répondre, d’une manière cohérente, de la maternelle au lycée, aux besoins de ces élèves intellectuellement précoces[57] permettrait, d’une part, d’éviter l’éparpillement des initiatives locales et, d’autre part, d’offrir aux élèves en véritable difficulté, des réponses coordonnées et continues dans leurs parcours scolaires.

 

En certains lieux, des projets sont avancés ; bien entendu – et c’est là une sorte de leitmotiv qui aura émaillé toute cette réflexion –, de tels dispositifs doivent, si ce n’est déjà fait, être étendus à d’autres catégories d’élèves, tous ceux à besoins éducatifs particuliers, et s’intégrer dans un projet global de considération de la diversité.

 

Car, comme le précise Albert JACQUART (21, 1999, p 96), « le vrai problème, c’est : que faire avec des enfants qui sont tellement différents ? Il semble que l’essentiel, c’est d’abord de leur faire comprendre que cette différence les enrichit tous, qu’elle nous enrichit tous. »

 

Dès lors, quatre considérations  pourraient infléchir la prise en compte de la précocité et du surdouement :

a)       le souci de repérer et de développer le potentiel, les « gisements » intellectuels que constituent les enfants précoces, talentueux ou doués pour former les chercheurs, les ingénieurs, les dirigeants dont les pays concernés ont besoin

b)       la conviction qu’il faut permettre à chaque personne de développer ses aptitudes et ses potentialités particulières : l’éducation doit favoriser l’épanouissement des talents (exceptionnels ou non) de chacun

c)       une réaction face aux difficultés particulières de certains élèves surdoués qui se retrouvent en échec à l’école : il s’agit d’abord d’apporter une réponse à une situation douloureuse, à un déficit et de traiter la « précocité » dans le même cadre que la dyslexie ou les handicaps

d)       la volonté de ne pas rompre l’égalité des chances face à l’école et donc de ne pas établir une discrimination au bénéfice de certains élèves : le respect de ce principe fondateur pour de nombreux systèmes scolaires modernes conduit à éviter la création de filières et d’établissements spécifiques pour les élèves disposant d’aptitudes particulières.

 

Dans beaucoup de pays (la majorité ?), ces quatre préoccupations coexistent, parfois conciliées dans une même politique éducative, parfois opposées dans le cadre d’un débat public ou dans la diversité des choix accomplis dans un fonctionnement fédéral (Etats-Unis, Canada, Suisse…).

 

Pour aller davantage sur un versant européen, quelques grandes tendances des politiques d’éducations actuelles sembleraient se dessiner (EURYDICE) : affichées pour tous les élèves, elles concerneraient donc aussi les EIP.

 

Ainsi cinq grands axes sont à considérer :

-          la recherche de l’intégration de tous les jeunes en âge d’obligation scolaire, cette intégration étant comprise et traduite diversement ;

-          la recherche et la promotion d’une pédagogie différenciée dès le plus jeune âge maintes fois soulignée comme essentielle par les avancées de la psychologie du développement

-          au niveau des systèmes éducatifs, la décentralisation dans l’exécution de dispositions cadres nationales, accentuant l’autonomie de gestion des pouvoirs organisateurs, voire des établissements, néanmoins fortement soumise aux contraintes de financement ;

-          la volonté d’associer les parents à différents niveaux de décisions

-          le souci d’améliorer la formation continue des enseignants… toute chose qui n’exclut en rien, bien au contraire une reconnaissance de leurs différences et de manière conséquente, des projets éducatifs personnalisés et leur accompagnement : certains de ceux-ci impliquent l’aménagement du cursus qui puisse contribuer au développement harmonieux du jeune à haut potentiel.

 

BIBLIOGRAPHIE (essentiellement française)

ELEVES INTELLECTUELLEMENT PRECOCES

 

 

OUVRAGES

 

1 – ADDA Arielle, le livre de l’enfant doué, PARIS, Ed. x, 1999, 305 pages

 2 – BERT Jacques, l’échec scolaire chez les enfants dits surdoués, 5ème édition, 2003, 300 pages

 3 et 11 – BERTHELOT Jocelyn, l’école de son rang, Québec, Centrale de l’enseignement du Québec, 1987, (chapitre II p 39 à 75  pour le 3)

4 – COTE Sophie, Doué, surdoué, précoce – L’enfant prometteur et l’école, PARIS, A. MICHEL, 1995, 3ème édition, 124 pages

 5 – GRUBAR Jean-Claude, DUYME Michel, COTE Sophie (sous la direction de), la précocité intellectuelle de la mythologie à la génétique, SPRIMONT en Belgique, Ed. P. MARDAGA, 1997, 204 pages

 6 – MERCHAT Paul, CHAMONT Philippe, la précocité intellectuelle et ses contradictions, LECQUES, Ed. du Champ social, 2000, 160 pages

 7 – SIAUD-FACCHIN Jeanne, l’enfant surdoué, PARIS, O. JACOB, 2002, 254 pages

 8 – TERRASSIER Jean-Charles, les enfants surdoués ou la précocité embarrassante, PARIS,  ESF Ed., 1995, 3ème édition, 124 pages

 9 – TERRASSIER Jean-Charles, GOUILLOU Philippe, grande pratique de l’enfant surdoué, PARIS EST Ed., 1998, 136 pages

 10 – AJURIAGUERRA Julian, Manuel de psychiatrie, PARIS, Masson, 1970

 12 – GARDNER Howard, Les intelligences multiples – Pour changer l’école : la prise en compte des différentes formes d’intelligence, PARIS, RETZ, 1996

 13 – MILLER Alice, Le drame de l’enfant doué – A la recherche du vrai soi, PARIS, PUF, 1991, 136 pages 6ème édition

 14 – WINNER Ellen, Surdoués, mythes et réalités, PARIS, Aubier, 1996

 15 – PROT B, profession motivatrice : réveiller le désir d’apprendre au collège et au lycée, PARIS, Ed. Noésis, 1997

 16 – CHAUVIN Rémy, Les surdoués, PARIS, Stock, 1975

 17 – ROSENTHAL R A, JACOBSON L, Pygmalion à l’école, PARIS, Costerman, 1971

 18 – CORIAT Aaron, Les enfants surdoués, approche psycho dynamique et théorique, PARIS, édition du Centurion, 1987

 19 – CLARKE Robert, Super-cerveaux : des surdoués aux génies, PARIS, PUF, 2001

 

            TRAVAUX

 

20 – Les enfants et les adolescents à haut potentiel, recherche-action interuniversitaire commanditée par le ministre de la Communauté française de Belgique – Rapport au 28 février 2001

21 – Les enfants précoces, recueil des actes des colloques et congrès du 1er avril 1995 au x, 16 novembre 1996 à Toulouse, 22 mars 1997 à Lyon, 30 mars 1996 à la Sorbonne Paris, 30 octobre 1998 à Marseille, 27 mars 1999 à Bordeaux, AFEP, Ed. Créaxion, 2001 – 119 pages

 22 – La précocité, les chemins de la réussite, 25 mars 2000, Palais Bourbon, PARIS, AFEP Ed. Créaxion, février 2002, 72 pages

 23 – Le paradoxe de l’enfant précoce, 30 janvier 1998, Palais du Luxembourg, PARIS, AFEP Ed. Créaxion, février 2001, 56 pages

 24 – Enfants précoces, outils de la réussite et évolution dans la société, 5 octobre 2002 à Deauville, 23 novembre 2002 à Orléans, AFEP Ed. Créaxion, février 2003, 84 pages

 25 – Cerveau et développement de l’enfant précoce, 26 janvier 2002, PARIS, 17 novembre 2001, Marseille, AFEP Ed. Créaxion, septembre 2002, 63 pages

 26 – Rapport de médiation de l’éducation nationale, année 2001, La documentation française

 27 – L’intelligence comme handicap par GOETZ-AUBERTIN Evelyne, La lettre du CLERSE, Supplément au n° 15, ISPEP, LYON, septembre 1992, 44 pages

 28 – La Scolarisation des élèves intellectuellement précoces, rapport à M. le Ministre de l’Education Nationale, par et sous la direction de DELAUBIER Jean-Pierre, janvier 2002, 46 pages

 29 – Lettres du CLERSE n° 29 (décembre 1994) et 31 (juin 1995)

 30 – Le contenu des pratiques pédagogiques spécifiques, BERT J., Colloque ANPEIP, Grenoble, 3 mai 2000

 31 – DUCHE Didier-Jacques, les enfants surdoués, n° 25 GC

 32 – TRONGIN Thierry, le redoublant à l’école, DIJON, IREDU, novembre 2001

 33 – BELANGER Nathalie, l’intégration scolaire et les écoles de la langue française en Ontario, Canada, 6ème Biennale Education et Formation, INRP, Paris 2002

 34 – Reliance, revue du collectif de Recherches : « Situations de Handicap, Education, Sociétés » (CRHES) n° 7 mars 2002,  n° 8 octobre 2002, n° 9 janvier 2003-05-19

 35 –BERT C, des enfants surdoués – 70 ans après, in Sciences Humaines n° 86, juin 1998, p 52 à 54

 

            REVUES

 50 – Quotidien du médecin (plusieurs numéros cités)

 51 – Valeurs Mutualistes (décembre 1999 – juillet 2002 – février 2003)

 52 – Sciences Humaines n° 130 février 2003 – n° 54 octobre 1995

 53 – Le Monde de l’Education – juin 2002 – mars 2000

 54 – Dépêches AEF

 55 – Fenêtre sur cours n° 231 du 05/11/2002

 56 – Revue Canadienne de psychoéducation, n° 130 de 2001, p 15 à 37

 57 – Ecole des parents n° 9-10 de 1996, p 28 à 34, GAYET D, les surdoués existent-ils ?

 58 – Journal des psychologues N° 151 de 1997, 154 de 1998, 194 de 2002

  

EMISSIONS TELEVISEES :

 M6 – Zone interdite : Ces parents qui mettent la pression, 15/09/2002

 M6 – Les surdoués – 2002


 

[1] Tiré d’un extrait de l’exposé liminaire réalisé par GARDOU Charles, à l’époque Maître de Conférence lors de la soutenance de son habilitation à diriger des recherches le 23 janvier 1993, devant l’Université Lumière Lyon II

[2] Le dernier nombre de la parenthèse renvoie toujours à la classification de la bibliographie p 121 et suivantes

[3] www.education.gouv.fr

[4] Confer le rapport DELAUBIER (2002, p 15, 28)

[5] cité par ADDA A dans un article intitulé « quand l’enfant doué est qualifié d’ « agité »,  juillet 2000

[6] in « Comment reconnaître un enfant doué ? », département de psychoéducation, Université du Québec à Trois-Rivières, 2002

[7] clin d’œil à Alfred de VIGNY, poète doué s’il en est…

[8] Informations dans la revue « Soins Pédiatrie –puériculture » n° 206 JUIN 2002, p 10 et 11.

[10] Les symptômes de la dépression infantile sont très différents de ceux de l’adulte avec des particularités en fonction de l’âge et la souffrance psychique de l’enfant n’est pas toujours entendue ou écoutée

[11] Le W.I.S.C.- R. a été révisé en 1971 – La 3ème version (W.I.S.C. II) est parue en 1989

[12] Le lecteur trouvera un peu plus loin dans ce chapitre un regard « distancié » d’A JACQUART sur l’usage et la lecture de la courbe en cloche

[13] Un stéréotype doit aussi être ici porté à la réflexion du lecteur : celui du seuil de performance aux tests de Q.I. à plus de 130. Cette affirmation où elle peut servir de référence devra être nuancée pour deux raisons principales (remarques relevées par J CH TERRASSIER, 1995, p57, 8).

D’une part, sur le plan individuel, les notes de QI, comme les notes scolaires, sont influencées par l’environnement éducatif et la personnalité. Il semble assez évident que des enfants présentant des troubles du comportement scolaire et un désintéressement intellectuel peuvent avoir des QI entre 110 et 130 et être qualifiés d’ «enfants précoces ».

D’autre part, sur le plan des groupes sociaux, ce seuil peut être faux. En effet, il est bien établi que les enfants de cadres ont en moyenne des QI d’environ 110 tandis que les enfants d’ouvriers ont en moyenne des QI d’environ 95. On sait par ailleurs que ces variations sont dues aux différences économiques qui caractérisent ces milieux sociaux. Le seuil de 130 étant établi sur une moyenne de 100, pour des enfants de cadres qui ont une moyenne supérieure de 10 points, devrait être de 140, tandis que pour les enfants d’ouvriers il devait être de 125.

[14] Le QI n’est pas un marquage à vie, in Valeurs Mutualistes, décembre 1999, interview de Michel DUYME par MORJEAN Marielle, p 24, 51.

[15] Le prix moyen d’une consultation complète auprès d’un psychologue privé coûte entre 150 et 200 € non remboursés

[16] Cité par J. Ch. TERRASSIER, 1995, p 41, 8.

[17] ADDA. A., L’approche clinique des enfants précoces ou le malentendu, World Council for Gifted and talented children, juin 1991

[18] Cité par J. Ch. TERRASSIER, 1995, p 47, 8.

[19] MASSE Line, Inventaire critique des principales catégories d’instruments d’identification des élèves talentueux, Université de Québec, Montréal, Canada, 1998 (www.SASSLF.fr)

[20] in Les enfants et adolescents à haut potentiel, 2001, p 50, 20

[21] ibidem

[22] Le texte (certes ancien) quelquefois cité dans ce travail de J. BERTHELOT, Critique des arguments invoqués pour la promotion des services spéciaux, in L’école et son rang, Québec, Canada, Centrale de l’Enseignement du Québec/Fédération des Syndicats de l’Enseignement, 1987, 11, évoque quelques arguments à cet égard.

[23] Nous citerons ici d’autres travaux de Line MASSE, professeur à l’Université du Québec à Montréal, en particulier les grilles de désignation par les pairs comme outil d’identification des élèves doués et talentueux (2000) (www.SASSLF.fr)

[24] F.M. DURAZZO, les représentations mythiques de l’intelligence, in la précocité intellectuelle : de la mythologie à la génétique, 1997, p 21,5.

[25] Arthur Ramiandrisoa a passé son Brevet des collèges à 9 ans, son Baccalauréat à 11 ans, sa Maîtrise de mathématiques pures à l’Université à 14 ans et prépare aujourd’hui un doctorat de mathématiques appliquées.

[26] RAMANDISIORA, PARIS, Editions N°1, 1992

[27] « L’école buissonnière d’Arthur ». 24 Heures, 18.09.1991

[28] Glenn Doman est un neuro-psychiatre et kinésithérapeute américain à la retraite qui travaille au « Better Baby Institute » de Philadelphie aux Etats-Unis, où il enseigne aux parents comment transformer leurs enfants en génies.

[29] A. ADDA décrit ces effondrements constatés d’élèves avec, pour conclusion fréquente, un redoublement qui plonge l’enfant dans une « spirale enfermante » (1999, p 102 à 104, 1)

[30] A titre d’exemple, la lecture des titres du chapitre du livre de J. SIAUD-FACCHIN (2002, 7)  « l’enfant surdoué face à l’école »: Le parcours scolaire de l’enfant surdoué- Au primaire : ça passe plutôt bien– Début collège : les ennuis commencent - 4ème : l’année fatale– 3ème : l’effondrement

Il est vrai que l’avenir ainsi déterminé de l’EIP ne peut paraître que bien sombre !

[31] Ne pourrait-on convenir, plutôt que d’aller vers l’acceptation des différences, de concevoir un rapprochement autour des ressemblances ? (propos récents échangés lors d’une rencontre avec des enseignants d’UPI)

[32] ce nombre pour le CM2 est passé de 8,9 % en 1960 2,5 % en 1999

[33] Le lecteur pourra se reporter aux comptes-rendus d’expériences conduites au collège de la Hève : www.ac-rouen.fr/pedagogie/equipes/valornno/monoLaheve.htm p 6

[34] l’auteur de ce mémoire exprimerait volontiers l’argumentaire développé ci-dessous pour tous les élèves de notre système scolaire, quels que soient leurs particularités ou besoins éducatifs, à vraiment très peu d’exceptions

[35] T. TRONGIN, le redoublement à l’école élémentaire : une pratique persistante à la recherche de sa légitimité, IREDU, DIJON, novembre 2001, p 16 à 18, 32.

[36] Ibidem p 18

[37] Nous souhaitons toutefois conserver le titre du paragraphe précédant tant la question du saut de classe nous est très souvent revenue sous cette forme et même si nous partageons pleinement la conception de modification du rythme scolaire ici indiquée.

[38] Travaux conçus en mars 2002, par Marc PROUCHET, centre Michel DELAY 3 rue G. LYVET, 69200 VENISSIEUX (IUFM de LYON)

[39] THELOT C, Tel père, tel fils ? Position sociale et origine familiale, PARIS, DUNOD, 1982, p 2

[40] Les enfants et adolescents à haut potentiel – 28/02/01 – p66, 20

[41] Encyclopédia Universalis, 1995, France

[42] GUIOT A., principale du Collège du Cèdre, à la Hève, in Valeurs Mutualistes, n° 219, juillet 2002, p 33, 51

[43] Une fois de plus, ce constat s’adresse à tous les enfants mais sans aucun doute particulièrement pour ceux qui vivent une « difficulté » importante

[44] E. GOETZ-AUBERTIN, L’intelligence comme handicap, in La lettre du CLERSE, supplément au n° 15, septembre 1992 – LYON, 29

[45] ARNOUX D. in Le Monde de l’Education – mars 2003, p 24, 53

[46] A cet égard, l’ouvrage « Apprendre l’autonomie, apprendre la socialisation », HOFFMANS-GOSSET Marie-Agnès, LYON, Editions Chroniques Sociales, 1987, 162 pages, constitue un bon ouvrage de référence théorique.

[47] PEYRAT C., les parents et les enfants talentueux ou le saut en parachute, 1996, p 55, 21

[48] ibidem p 56

[49] ANNEXE N°21

[50] Propos recueillis lors d’une rencontre avec des parents « démunis » face aux caractéristiques de précocité intellectuelle de leur enfant

[51] Phase tirée d’un mail reproduit en ANNEXE N° 24 qu’un chef d’établissement m’a adressé en commentaires de l’enquête envoyée

[52] ibidem

[53] Lu, dans un article récent dans la Belgique Libre, ces propos d’Adrien GRATUS, enseignant : « Mais je veux écrire ici que le surdoués, cela n’existe pas. Sauf dans la tête de leurs parents. Chaque élève est le produit de l’intensité de la prise en charge qui a été faite sur sa personne pendant toute son enfance… «  NDLR : du chemin à parcourir pour penser la différenciation pédagogique et la compréhension parentale…

[54] Avec, là aussi en fond, le traitement particulier de certains élèves dans une sorte de «crainte à  créer un précédent dans le collège »

[55] Texte complet en ANNEXE N° 24

[56] Bien souvent, nous avons constaté que l’équilibre intellectuel de ces élèves se retrouvait à travers trois principes :

-l’enrichissement qui consiste à augmenter le nombre de sujets appris et à dépasser le cadre strict de la discipline enseignée

-l’approfondissement qui s’appuie sur l’étude plus poussée des sujets du programme

-l’accélération qui repose sur les sauts de classe, les regroupements de programmes  (par exemple 6ème et 5ème) ou d’élèves de niveaux différents, les ateliers…

Il va de soi que la prise en compte de la personnalité de chacun favorise les épanouissements.

[57] Le travail réalisé dans l’Académie de LYON est, à cet égard, fort intéressant et constitue un exemple qui pourrait s’adapter à d’autres régions